<113>

CHAPITRE XVI.

Deux sculpteurs fameux, Phidias et Alcamène, firent chacun une statue de Minerve dont les Athéniens voulurent choisir la plus belle pour être placée sur le haut d'une colonne. On les présenta toutes les deux au public : celle d'Alcamène remporta les suffrages; l'autre, disait-on, était trop grossièrement travaillée. Phidias ne se déconcerta point par le jugement du vulgaire, et demanda que, comme les statues avaient été faites pour être placées sur une colonne, on les élevât toutes les deux; alors celle de Phidias remporta le prix.

Phidias devait son succès à l'étude de l'optique et des proportions. Cette règle de proportion doit être observée dans la politique : les différences des lieux font les différences des maximes; vouloir en appliquer une généralement, ce serait la rendre vicieuse; ce qui serait admirable pour un grand royaume ne conviendrait point à un petit État. Le luxe qui naît de l'abondance, et qui fait circuler les richesses par toutes les veines d'un État, fait fleurir un grand royaume; c'est lui qui entretient l'industrie, c'est lui qui multiplie les besoins des riches pour les lier par ces mêmes besoins avec les pauvres.

Si quelque politique malhabile s'avisait de bannir le luxe d'un grand empire, cet empire tomberait en langueur; le luxe, tout au contraire, ferait périr un petit État; l'argent sortant en plus grande abondance du pays qu'il n'y rentrerait à proportion, ferait tomber ce corps délicat en consomption, et il ne manquerait pas de mourir étique. C'est donc une règle indispensable à tout poli-