<248>J'ose assurer que ce n'était pas tant la crédulité des hommes que de certains événements et de certaines circonstances qui firent réussir les desseins de ce pape; il y avait le contraste de l'ambition française et espagnole, la désunion et la haine des familles d'Italie, les passions et la faiblesse de Louis XII, et les sommes d'argent qu'extorquait Sa Sainteté et qui la rendirent très-puissante, qui n'y contribuèrent pas moins.

La fourberie est même un défaut en style de politique, lorsqu'on la pousse trop loin. Je cite l'autorité d'un grand politique; c'est le cardinal Mazarin, qui disait de don Louis de Haroa qu'il avait un grand défaut en politique, c'est qu'il était toujours fourbe. Ce même Mazarin voulant employer M. de Fabertb à une négociation scabreuse, le maréchal de Fabertb lui dit : « Souffrez, monseigneur, que je refuse de tromper le duc de Savoie, d'autant plus qu'il n'y va que d'une bagatelle; on sait dans le monde que je suis honnête homme; réservez donc ma probité pour une occasion où il s'agira du salut de la France. »

Je ne parle point, en ce moment, de l'honnêteté ni de la vertu; mais, ne considérant simplement que l'intérêt des princes, je dis que c'est une très-mauvaise politique de leur part d'être fourbes et de duper le monde : ils ne dupent qu'une fois, ce qui leur fait perdre la confiance de tous les princes.

Une certaine puissance,a dans un manifeste, déclara positivement les raisons de sa conduite, et elle agit ensuite d'une manière qui était tout opposée à ce manifeste. J'avoue que des traits aussi frappants que ceux-là aliènent entièrement la confiance; car, plus la contradiction se suit de près, et plus elle est grossière. L'Église romaine, pour éviter une contradiction pareille, a très-sagement fixé à ceux qu'elle place au nombre des saints


a C'est l'inverse, suivant Voltaire. Don Louis de Haro, qui conclut avec Mazarin la paix des Pyrénées, en 1609, doit avoir dit du cardinal : « Il a un grand défaut en politique, c'est qu'il veut toujours tromper. » Voyez Œuvres de Voltaire, par M. Beuchot, t. XIX, p. 340; et ci-dessus, p. 136.

b Les mots « M. de Fabert » et « le maréchal de Fabert » sont omis dans notre autographe. L'auteur a laissé des lacunes qu'il comptait remplir ensuite; Voltaire les a suppléées dans ses éditions de l'Antimachiavel.

a Voyez ci-dessus, p. 137.