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CHAPITRE XI.

Je ne vois guère dans l'antiquité de prêtres devenus souverains. Il me semble que, de tous les peuples dont il nous est resté quelque faible connaissance, il n'y a que les Juifs qui aient eu une suite de pontifes despotiques. Il n'est pas étonnant que, dans la plus superstitieuse et la plus ignorante de toutes les nations barbares, ceux qui étaient à la tête de la religion aient enfin usurpé le maniement des affaires; mais partout ailleurs il me semble que les prêtres ne se mêlaient que de leurs fonctions. Ils sacrifiaient, ils recevaient un salaire, ils avaient quelques prérogatives; mais ils n'instruisaient ni ne gouvernaient; et c'est, je crois, parce qu'ils n'avaient ni dogmes pour diviser les peuples, ni puissance pour en abuser, qu'il n'y eut jamais chez eux aucune guerre de religion.

Lorsque l'Europe, dans la décadence de l'empire romain, fut une anarchie de barbares, tout fut divisé en mille petites souverainetés; beaucoup d'évêques se firent princes, et ce fut l'évêque de Rome qui donna l'exemple. Il semble que sous ces gouvernements ecclésiastiques les peuples dussent vivre assez heureux; car des princes électifs, des princes élevés à la souveraineté dans un âge avancé, des princes enfin dont les États sont très-bornés, tels que ceux des ecclésiastiques, doivent ménager leurs sujets, sinon par religion, du moins par politique.

Il est certain cependant qu'aucun pays ne fourmille plus de mendiants que ceux des prêtres; c'est là qu'on peut voir un tableau touchant de toutes les misères humaines, non pas de ces