227. AU GRAND-MARÉCHAL DE LA COUR COMTE DE GOTTER A VIENNE.

Herrndorf, 26 décembre 1740.

J 'ai appris par votre relation du 20 de ce mois, que Kircheysen vient de m'apporter, de quelle façon vous avez été reçu du duc de Lorraine, et dans quels termes il a jugé à propos de répondre à vos propositions.157-2

Quoique cette réponse, pleine de marques d'aigreur et de duretés, semble couper tout chemin aux voies d'accommodement, vous devez pourtant faire tout au monde pour porter le susdit prince à envisager d'un œil moins prévenu mon plan et mes vues, qui tendent assurément au bien et à la conservation du Duc et de la maison d'Autriche, que j'assisterai de toutes mes forces, si l'on me veut faire avoir raison par rapport à mes justes prétentions sur la Silésie. Vous pouvez même insinuer au Duc qu'encore que j'aie demandé l'entière cession de cette province, je saurais apporter de la modération et me contenter d'une bonne partie de ce pays, pourvu qu'il plaise à la reine de Hongrie d'entrer avec moi dans un accommodement raisonnable et sincère, et de faire des liaisons étroites et convenables à nos intérêts réciproques.

Comme j'attends là-dessus votre réponse claire, que vous me ferez tenir par Kircheysen, vous vous efforcerez, en attendant, de me conserver une voie libre à la négociation, pour pouvoir la reprendre après votre départ et celui du de Borcke, et quand il ne sera plus permis d'y avoir un ministre. C'est pourquoi vous chercherez quelqu'un parmi les autres <158>ministres, par exemple celui de Mayence, ou qui que ce soit, par le canal duquel on pourrait travailler à une sincère union.

Outre cela, vous songerez à me faire avoir sous main un correspondant sûr et secret, qui m'informera, pendant que je n'y aurai aucun ministre, de tout ce qui s'y passe et des mesures qu'on prendra contre moi. Vous me manderez là-dessus vos idées et ce qu'il faudra dépenser.

Quant aux Saxons et leurs menées à Vienne, il faut que vous y apportiez une attention très sérieuse, en éclaircissant au fond les mouvements qu'ils se donnent, les moyens qu'ils mettent en œuvre, et les propositions qu'ils y feront peut-être à cette cour pour couvrir leurs desseins.

Mais je suis surpris de ce que vous ne me dites rien touchant le comte de Sinzendorff et Toussaint, auxquels je vous ai ordonné de parler sur notre affaire, ce qui me fait croire que vous n'avez pas encore éprouvé ces canaux et ce qu'il y en a à espérer.

Au reste, j'approuve que vous n'ayez point cherché d'obtenir une audience de la Reine, le Duc ayant été de l'opinion qu'elle ne ferait pas un bon effet.

Pour ce qui regarde l'armement et les préparatifs qu'on fait contre moi, et la situation et le détail de leurs régiments, vous en informerez exactement Kircheysen, pour pouvoir m'en rendre compte à son retour auprès de moi. Je suis etc.

Federic.

Si le Duc veut se perdre malgré mes bonnes intentions, qu'il se perde.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



157-2 Vergl. Droysen V, 1, 179.