<77> Vienne d'appuyer en tout la négociation du ministre anglais, et que le chancelier Bestushew prétendit un mémoire par écrit signé de lui moyennant lequel Pretlack déclarerait que sa cour était prête de reconnaître le casus foederis, dans le cas dont il s'agissait, et de vouloir entrer en toutes les mesures que les ministres de Russie prendraient avec Guy Dickens, le baron de Pretlack s'y prêta par un mémoire fort ample qu'il donna au Chancelier, mais dont celui-ci fut bien indigné, n'y trouvant que des protestations vagues sur la bonne volonté de l'Impératrice, sans promettre quelque chose de positif, en sorte que, sans communiquer ce mémoire au comte Woronzow, il le rendit au baron de Pretlack, comme nullement propre pour faire succéder la négociation, et l'obligea, après bien des brouilleries, de lui donner le mémoire coté sous B.

Pendant toutes ces entrefaites, Bestushew avait laissé absolument ignorer à l'impératrice de Russie ce que Guy Dickens avait proposé, et n'en avait communiqué, outre le comte Woronzow, qu'avec ses créatures, en attendant qu'il travaillait à une pièce par écrit sous le nom de remarques, de commentaire et de réflexions politiques dont il voulut accompagner le mémoire de Guy Dickens, quand il le remettrait à l'Impératrice. Il profita même de cet intervalle de temps pour gagner par des voies secrètes en sa faveur le nouveau favori de l'Impératrice, le jeune Schuwalow.

Ce n'était que le 18 de mai que le chancelier Bestushew, accompagné du vice-chancelier Woronzow et du premier secrétaire du collège de l'Empire, put trouver l'occasion de remettre le mémoire de Guy Dickens à l'Impératrice, qui d'abord marqua qu'elle n'était nullement d'humeur d'entrer en aucune manière dans ce que Guy Dickens demandait; sur quoi, le Chancelier lui lut le susdit commentaire qu'il avait composé avec tout l'artifice et rempli de tant de calomnies contre la Prusse, la France et la Suède qu'il en opéra un changement subit auprès de l'Impératrice, en sorte qu'elle goûta les propositions de Bestushew et approuva la demande qu'il lui fit de faire assembler secrètement un conseil extraordinaire composé des principaux membres du Sénat et du collège de guerre et de l'amirauté, tels que Bestushew les choisirait, auquel l'on ferait quelques ouvertures sur l'affaire dont il s'agissait, en lui cachant cependant, sous prétexte du secret à garder, les principales circonstances.

Ce conseil, ayant été assemblé le 25 et le 26 de mai, prit le résultat coté sous la lettre C, qu'on envoya à l'Impératrice, qui était absente à cause de quelques voyages de plaisir, en attendant que le Chancelier se donna tous les mouvements possibles pour faire approuver ce résultat de sa souveraine. Ce qui ne se fit cependant que le 20 de juin, après que l'Impératrice fut de retour à Moscou, où, à la fin, après bien des mouvements que Pretlack, Guy Dickens et surtout le ministre de Saxe, Funcke, s'étaient donnés, l'Impératrice autorisa le Chancelier de projeter la réponse au mémoire de Guy Dickens, qu'on lui rendit dans une