6924. AU DUC RÉGNANT DE BRUNSWICK A BRUNSWICK.

[Potsdam], 12 [août 1755].

Mon cher Frère. Vous ne devez point être surpris si vous recevez aujourd'hui une double lettre de ma part; vous pouvez juger facilement que je dois être très surpris de la déclaration que les Anglais exigent de moi. Si c'était dans d'autres circonstances, ils n'auraient de moi aucune réponse, mais je me prête à leur chipotage en considération de vos intérêts et de ceux de ma nièce. Je suppose donc, dans la lettre que je vous écris et qui est ostensible,254-2 que vous ne m'avez parlé que comme de vous-même des affaires présentes de l'Europe et que vous ne m'avez point communiqué in extenso la commission du lord Holdernesse. Vous pouvez jouer le rôle de l'entremetteur dans toute cette affaire-ci, donner bonne espérance aux Hanovriens et même, par une marque du penchant que vous avez pour eux, leur lire l'autre lettre ci-jointe, cependant sans en donner de copie; ils vous tiendront compte de cette complaisance, et je me flatte que de cette façon le mariage de ma nièce ne sera point rompu. Pour moi, je suis prêt de me charger de la médiation, si l'on vient au fait et au prendre, mais je suis en même temps obligé de vous confier, sous le sceau du plus inviolable secret, que jamais ils ne m'extorqueront la déclaration qu'ils prétendent. Cependant, il convient à vos intérêts et aux miens qu'on ne leur en fasse point perdre l'espérance, mais que vous les flattiez, en cas qu'ils ne se contentent pas de la médiation, qu'il ne fallait pas se décourager d'abord et qu'il fallait revenir plus souvent à la charge; ensuite de cela,<255> on pourra les amuser en leur demandant des éclaircissements sur toute sorte de sujets, en faisant de ma part naître des difficultés etc. Mais, pour Dieu, ne montrez cette lettre-ci à personne, il vous importe, autant qu'à moi, que le secret reste entre nous deux. Dans le fond, je vois que le roi d'Angleterre a la peur bien chaude pour son électorat, et je commence à soupçonner qu'il n'est pas satisfait de la cour de Vienne, sans quoi il ne s'adresserait jamais à moi.

Toute cette affaire en général est fort embarrassante; mais avec du secret, de la patience et de l'adresse, j'espère que nous nous en tirerons à notre honneur. Je suis avec toute l'estime et l'amitié possible, mon cher Frère, votre fidèle frère et cousin

Federic.

Ayez la bonté d'embrasser ma chère sœur de ma part — et pour plus de sûreté, ayez la bonté de brûler cette lettre.

Nach der Ausfertigung.255-1 Eigenhändig.



254-2 Nr. 6923.

255-1 Dieselbe wurde von dem Empfänger dem Könige wieder zugestellt. Vergl. S. 264.