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qu'Elle venait de conclure avec l'Angleterre, pouvait être mis en équilibre avec le germe de défiance qu'une démarche de cette nature devait nécessairement produire auprès de Ses alliés présents et futurs. Que Sa Majesté Très Chrétienne, qui, depuis l'avènement de Votre Majesté au trône, s'était toujours vu unie avec Elle par les liens de la plus étroite amitié, était si accoutumée à approuver toutes Ses démarches que jusqu'à présent elle n'avait voulu se permettre aucun reproche à ce sujet, mais qu'il me laissait à considérer combien il avait été douloureux pour elle d'apprendre la conclusion d'un pareil traité, dans le même instant qu'elle avait choisi pour offrir à Votre Majesté les gages les plus précieux de son amitié, et pour Lui renouveler par une ambassade solennelle les sentiments de la confiance la plus tendre et la plus véritable. Que Votre Majesté, à qui cette démarche avait été annoncée, il y a plusieurs mois, aurait au moins pu épargner cette mortification à la gloire du Roi et empêcher qu'un citoyen illustre qui s'était particulièrement signalé par son attachement pour Elle, ne servît en cette occasion de trophée aux ennemis de la France. Que Votre Majesté voyait, par les propositions que M. de Nivernois était chargé de Lui faire, que son ambassade n'avait rien eu pour objet qui eût pu L'alarmer, et que l'intention de la France n'avait nullement été de L'engager dans aucune démarche qui eût pu être contraire à Sa sûreté. Qu'il avait simplement été chargé de se concerter avec Voire Majesté sur tout ce qu'Elle regarderait comme menant aux intérêts réciproques de la France et de la Prusse en Allemagne, et de Lui communiquer les démarches qu'on avait faites et qu'on comptait de faire encore pour La mettre à l'abri des attentats de la Russie et de la cour de Vienne. Que le sentiment de la conservation de Votre Majesté avait donc eu beaucoup de part à cette ambassade, et que, si Elle eût persisté à regarder la neutralité de l'Allemagne comme le parti qui convenait le mieux à Ses intérêts, on n'aurait vraisemblablement montré aucune répugnance à y consentir. Mais que l'espace que

plicitement contraire aux intérêts de la France, et que, par conséquent, il en a tiré des conséquences bien mal fondées. Et, afin que vous-même puissiez juger de l'innocence de la susdite convention, je vous en fais joindre ciclos une copie exacte avec celle de son article séparé et secret,1 avec ordre cependant de ne vous en servir que pour votre seule et unique direction, vous défendant absolument de la faire voir, ni lire à personne au monde qui ce puisse être, ni de la communiquer soit in extenso ni par extrait.

Pour venir aux faits de ce qui s'est passé au sujet de ladite convention, je soutiens, et tout le monde raisonnable en conviendra, qu'en me prêtant à la conclusion de cette convention, je n'ai rien fait qui saurait altérer les liens d'une étroite amitié avec la France. Vous savez que mon traité d'alliance tirait à sa fin,2 il y a deux mois encore qu'il expire entièrement, et ces deux mois tombent d'ailleurs dans une saison où régulièrement on ne fait des opérations de guerre. Depuis les hostilités commencées en Amérique, je me suis tenu tout clos, j'ai éloigné toute proposition qu'on tâcha de me faire jusqu'au temps qu'il devint public que l'Angleterre avait fait et conclu son traité de subsides avec la Russie pour un corps de troupes auxiliaires de 60,000 hommes,3 et qu'il me fut aisé de prévoir que la cour de Vienne travaillerait sans relâche, jusqu'à ce que ce corps de trou-



1 Vergl. Nr. 7257.

2 Vergl. S. 49.

3 Vergl. Bd. XI, 388. 418.