7285. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A PARIS.

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Knyphausen berichtet, Paris 9. Februar; „L'on vient de m'assurer que les fréquentes conférences que le comte de Starhemberg128-3 a eues depuis quelques

Potsdam, 21 février 1756.

J'ai reçu le rapport que vous m'avez fait du 9 de ce mois. Je

jours avec M. Rouillé et avec le Contrôleur Général,129-1 n'ont eu pour objet que la discussion d'un différend qui s'est élevé entre l'évêque de Liège et la régence de Bruxelles, et relativement auquel on dit que la France a interposé ses bons offices en faveur du premier. Quoique cet avis me vienne de fort bon lieu, j'ai cependant de la peine à croire que les longs entretiens que le comte de Starhemberg a depuis quelque temps avec M. Rouillé, soient relatifs à ce seul sujet, d'autant plus qu'il m'est revenu que le premier a insinué depuis longtemps au ministère de France qu'il ne fallait point qu'il comptât sur l'assistance de Votre Majesté, et qu'Elle ne persisterait dans le système qu'Elle avait embrassé, qu'autant qu'Elle le trouverait favorable à Ses vues et à Ses intérêts. Je sais d'ailleurs que ce ministre a paru être peu satisfait de la nouvelle qu'on a reçue ici de la signature du traité de neutralité conclu entre Votre Majesté et l'Angleterre, et que, bien loin d'avoir fait éclater à ce sujet la joie à laquelle plusieurs personnes s'attendaient ici, il en a parlé avec la plus grande réserve. Ces différents indices, auxquels je crois devoir ajouter encore l'arrivée d'un nouveau secrétaire d'ambassade de Leurs Majestés Impériales, nommé Barre, qui a été attaché autrefois au comte de Kaunitz pendant son séjour à Paris, et pour lequel le comte de Starhemberg a de grands égards et qu'il mène souvent à Versailles, me font soupçonner que la cour de Vienne pourrait bien vouloir profiter du refroidissement qu'elle suppose peut-être devoir exister dans la conjoncture présente entre Votre Majesté et la cour de France, pour se rapprocher de cette dernière et ourdir à cet effet quelque négociation secrète. J'ai cependant peine à croire qu'on se prête ici à un pareil projet, après la résolution qui a été prise dans le dernier comité, et dont j'ai fait mention dans ma lettre immédiate du 8 de ce mois,129-2 à moins qu'on ne vienne à apprendre que le traité qui a été conclu entre Votre Majesté et l'Angleterre, renferme des engagements directement contraires aux in-

ne doute pas que la dépêche que je vous ai faite le 17,129-3 ne vous soit déjà bien arrivée et, comme je vous y ai instruit pour votre direction de tout ce que j'ai cru nécessaire dans la conjoncture présente, je n'ai rien à présent d'y ajouter. Vous pouvez compter que le duc de Nivernois a vu ici en son entier ma convention de neutralité faite avec l'Angleterre et qu'il n'y a vu rien que ce que les copies qu'on lui en avait déjà fournies, comprennent; aussi peuton compter hardiment que jamais l'Angleterre ne saura produire tôt ou tard deux mots de plus de ce qui est compris dans la copie qu'on en a fournie au duc de Nivernois,129-4 tout comme dans celles que je vous ai fait communiquer pour votre direction.

Vous vous souviendrez que c'est depuis quelque temps déjà que je vous ai averti des soupçons que j'avais d'un chipotage secret entre la France et la cour de Vienne;129-5 je ne crois pas me tromper, quand je présume que ces longues et fréquentes conférences que le sieur de Rouillé a eues depuis peu avec le comte de Starhemberg, n'ont été qu'une suite desdites chipoteries, quoiqu'il se peuve bien que, dans le premier emportement des ministres au sujet de ma convention susdite, on y ait mis plus d'empressement et observé moins de ménagement. Quoi qu'il en soit, je calcule que ces chipotages peuvent avoir pour objet primo une neutralité des Pays-Bas

térêts de la France, et c'est sur quoi il me paraît être important de tranquilliser cette dernière, par l'entière communication de ce traité.“

contre quelque convenance que la Reine-Impératrice ferait à la France; ce qui me paraît le plus semblable, vu le peu d'envie que le ministère de France a marqué depuis quelque temps d'en vouloir auxdits Pays-Bas, dont rien n'est entré jusqu'à présent dans leurs projets d'opérations. Il se peut qu'en second lieu on ait traité le chapitre de l'élection d'un roi des Romains,130-1 quoique j'aie de forts doutes encore si la France y a voulu condescendre. Le troisième objet saurait être un mariage à ménager entre une fille de France et l'Archiduc aîné. J'avoue cependant que cet article me paraît être moins vraisemblable que le précédent, vu la haine et l'éloignement qu'on a toujours remarqués entre les deux maisons, lorsqu'il s'est agi de pareille alliance.

Mais, supposé pour un moment que tout ce que dessus fût exactement vrai, il reste toujours pour une vérité constante et certaine qu'il ne sera jamais de l'intérêt de la France de travailler à l'agrandissement de la nouvelle maison d'Autriche et d'y contribuer en aucune façon. Nous savons les grandes peines que feu le cardinal de Richelieu s'est données pour abaisser la puissance de l'ancienne maison d'Autriche, et ce qu'il en a coûté à la France pour y réussir. Peut-on jamais croire qu'un ministère de France voudrait faire une faute si grossière contre les intérêts les plus essentiels de la France que de contribuer à une plus grande élévation de la nouvelle maison d'Autriche? Article dont je vous recommande de faire un bon usage et de relever adroitement, quoique avec la précaution que vous n'en parlerez pas vous-même aux ministres, mais bien à des tierces personnes qui en redisent aux ministres. Au reste, lassé que je suis de toutes ces mauvaises disputes et reproches qu'on s'arroge de me faire sur la chose la plus innocente, contre ma dignité, je laisserai tout tranquillement aviser le ministère de France auquel parti il se décidera, et, dans le cas qu'il ne conviendra pas à mes intérêts, je n'en serai pas trop embarrassé et saurai prendre le mien pour me garantir de toute mauvaise volonté.

J'attends aujourd'hui ici le duc de Nivernois, qui, après avoir reçu depuis peu de jours un courrier de sa cour, a demandé de me parler. J'attendrai ce qu'il aura à me proposer, et vous en informerai ensuite.

Federic.

Nach dem Concept.



128-3 Vergl. S. 113.

129-1 Séchelles.

129-2 Vergl. Nr. 7275 S. 118. 119.

129-3 Nr. 7275.

129-4 Vergl. S. 61.

129-5 Vergl. S. 97. 98. 106. 107.

130-1 Vergl. Bd. IX, 484—486; X, 535; XI, 484.