7627. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Potsdam, 29 juin 1756.

J'ai reçu vos rapports du 15 et du 18 de ce mois. Je ne veux point vous cacher que j'appréhende fort que toutes les mesures que le ministère d'Angleterre voudra prendre par rapport à la cour de Pétersbourg, n'y arriveront trop tard, vu que je sais de science certaine que les cours de France et de Vienne mettent tout en œuvre pour prévenir l'Angleterre auprès de la cour de Russie. Les deux cours, à ce que j'apprends,482-2 n'ont même rien négligé pour prévenir les suites de l'ombrage que leur alliance saurait causer au ministère ottoman, et il est connu que le sieur de Rouillé a dit depuis peu au chargé d'affaires de la cour de Suède à Paris qu'on avait employé tous les moyens qu'on avait cru propres à tranquilliser la Porte et à lui ôter tout sujet de méfiance et d'inquiétude. L'on m'ajoute que l'attention du ministère de France ne s'était pas bornée à cet objet, et que celui de Vienne avait eu soin de la diriger pareillement sur la cour de Russie, de sorte que le sieur Douglas était instruit de proposer à la Russie de faire un traité de subsides avec la France, aux mêmes conditions que renferme celui qui subsiste maintenant entre la Russie et celle de Londres; et que le sieur Douglas était entré là-dessus en négociation avec le ministère<483> russien, qu'enfin l'objet que la cour de France semblait se proposer par cette dernière démarche, pourrait bien être de contenir moi et encore la Porte Ottomane, au moyen de son alliance à faire avec la Russie, et de rendre entièrement infructueux les efforts que l'Angleterre saurait faire en opposition du traité de Versailles, pour régler à son gré l'équilibre de l'Europe pendant le cours des troubles actuels. L'on483-1 conclut que la cour de Londres, plus particulièrement intéressée dans tout ce manège qu'aucune autre, n'avait un moment à perdre pour avertir la Porte de ce qui se machinait à son détriment.

Vous parlerez de tout ceci de la manière la plus circonstanciée aux ministres anglais, et leur direz encore que, selon nos avis de Russie,483-2 la cour de Pétersbourg, croyant de n'avoir plus rien à craindre de la Suède du côté de la Finlande, au moins dans le moment présent, faisait retirer toutes ses troupes qu'elle avait eues jusqu'ici aux frontières de la Finlande suédoise, qu'elle faisait relever par des miliciens, pour envoyer les autres encore dans la Livonie.

Pour le reste, vous direz à milord Holdernesse que, par les arrangements militaires que la cour de Vienne faisait en Bohême et en Moravie, en y assemblant de fortes armées, nous étions sur le point d'une rupture. Vous avertirez en particulier milord Holdernesse que je croyais qu'il saurait être necessaire que, dans le moment de ces circonstances critiques, Sa Majesté Britannique fît bien de songer aussi à ses États d'Hanovre, pour faire avorter les desseins que la France saurait prendre sur eux à l'instigation de la cour de Vienne.

Quant au dessein qu'on avait pris de se remettre sur un pied de bienséance avec la Suède par mon canal, vous direz à milord Holdernesse que j'y pourrais employer mes soins auprès du roi de Suède et auprès de la Reine, mais, comme le Sénat avait pris entièrement le dessus, dont la plus grande part était entièrement attachée à la France, je ne voyais jusqu'à présent le moyen d'en faire revenir celui-ci. Vous ne manquerez pas de me faire un rapport détaillé et bien circonstancié de ce que les ministres vous auront répondu à ces sujets.

Federic.

Nach dem Concept.



482-2 Bericht Knyphausen's, Paris 18. Juni. Vergl. Nr. 7626.

483-1 Knyphausen.

483-2 Vergl. S. 479 Anm. 3.