7748. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A COMPIÈGNE.

Potsdam, 24 juillet 1756.

J'ai reçu l'ordinaire dernier le rapport que vous m'avez fait du 11 de ce mois, et ne veux pas vous laisser ignorer qu'en conséquence d'un avis115-2 que je viens de recevoir, la cour de Vienne avait insisté formellement pendant sa négociation avec celle de Versailles sur le traité qu'elle a fait avec celle-ci, que la France s'engageât de ne point donner de secours ni à moi ni à la Porte Ottomane, quand les deux cours impériales entreraient en guerre avec eux, et que la cour de France y avait condescendu, quoiqu'avec beaucoup de peine.

Cette nouvelle me vient de très bonne main et de lieu si sûr que je ne saurais mettre aucun doute sur son authenticité, et elle m'éclaircit assez par rapport à la conduite que la France observera, quand la cour de Vienne m'attaquera conjointement avec la Russie; aussi le plan est arrêté entre les deux cours impériales de m'attaquer à la fois, et je sais qu'on l'aurait exécuté dès cette année-ci, mais qu'on a été obligé de le renvoyer jusqu'au printemps prochain, parceque le corps de troupes que la Russie a tenu dans la Livonie et la Courlande, ne va qu'à 53,000 hommes effectifs, qu'elle voudrait bien [porter] à 75 ou à 80,000 hommes, et parceque d'ailleurs la cour de Vienne a de son côté aussi encore bien des détails à régler pendant l'hiver, avant d'avoir ajusté le tout au point de pouvoir mettre son vaste projet en exécution.

Quant à moi, je verrai ce que j'aurai à faire de ma part dans ces occurences, pour ne pas être pris au dépourvu, et ce que ma sûreté demandera.

En attendant, vous emploierez tous vos soins pour suivre l'affaire ci-dessus mentionnée, afin de bien pénétrer jusqu'où elle se trouve fondée; car quoique l'avis, comme je vous l'ai dit, me soit venu d'un très bon canal, je souhaiterais cependant que vous l'approfondissiez plus encore et m'en fassiez votre rapport; car, pour vous le dire en passant, ce serait une chose très étrange, si la cour de France n'ouvrait pas les yeux sur la véritable intention en ceci de celle de Vienne, qui, as<116>sistée de toutes les forces de la Russie, voudra se franchir le dos en accablant moi et la Porte Ottomane, pour avoir après les bras libres d'agir despotiquement avec tout l'Empire et gagner entièrement la supériorité en Italie au moyen du troc qu'elle médite de faire des États de Parme et du Plaisantin contre une partie du Brabant,116-1 dont les suites infaillibles seront de se rendre aussi redoutable à la maison de Bourbon que celle-ci l'a été jusqu'à présent à la nouvelle maison d'Autriche; ce que pourtant ne vous soit dit que pour votre direction seule.

Je me réfère, au surplus, à ce que la dépêche de mes ministres vous marquera sur la nouvelle que nous avons eue par des lettres de Cologne touchant des commissaires français qui sont arrivés dans ces contrées, pour y former sous mains des magasins; j'y ajoute seulement que je crois la nouvelle fausse ou prématurée encore, ou que peut-être les Autrichiens l'ont fait faire passer expressément dans le public pour l'imposer.

Au reste, la négociation de la France avec la cour de Pétersbourg doit être avancée au point que la dernière a fait passer incognito le général major de Wesselowski à Paris,116-2 chargé d'écarter tous les obstacles, pour qu'ensuite les deux cours s'envoient des ambassadeurs; l'on prétend116-3 même de savoir qu'on a mis en France le duc de Mirepoix, le marquis d'Havrincour, celui de Bonnac avec d'autres sur les rangs.

Federic.

Nach dem Concept.



115-2 Bericht Hellen's, Haag 16. Juli, nach einem Schreiben Swart's an Fagel, d. d. Petersburg 19. Juni. Vergl. Nr. 7749.

116-1 Vergl. Bd. XII, 512.

116-2 Bericht Hellen's, Haag 16. Juli, auf Grund des oben erwähnten Schreibens von Swart S. 115 Anm. 2. Zur Sache vergl. auch S. 95.

116-3 Schreiben Mitchell's, Berlin 22. Juli. Vergl. Nr. 7746.