7789. AU CONSEILLER PRIVÉ VON DER HELLEN A LA HAYE.

Potsdam, 31 juillet 1756.

J'ai reçu le rapport que vous m'avez fait du 23 de ce mois. Comme il importe extrêmement dans les conjonctures d'à présent de tirer parti de la République,157-1 vous emploierez tous vos soins et peines pour disposer les Régents et les Députés à ce que la République s'allie avec Sa Majesté Britannique et avec moi. Les arguments les plus principaux dont vous vous servirez à ce sujet, sont qu'en premier lieu il ne fallait point douter que la cour de Vienne avec celle de France n'eussent formé des projets très dangereux contre la tranquillité et la liberté de l'Europe et surtout contre la religion protestante; mais, comme elles s'aperçoivent bien des raisons pourquoi elles doivent cacher leur dessein, elles se serviraient d'autres prétextes pour parvenir indirectement à leur but. Que c'était pourquoi il faudra être extrêmement sur ses gardes et prendre à temps de bonnes mesures, avant qu'il soit trop tard de le faire. Que le projet des deux cours pour mettre en exécution ce vaste dessein, était à peu près tel que, l'année qui vient, l'Impératrice-Reine et la Russie tomberont conjointement sur moi,157-2 afin de m'accabler par leurs forces, et que la France fera marcher alors un corps d'armée directement vers les États d'Hanovre. Qu'il était aisé à comprendre que, si ce plan se réalise, ils s'en suivrait naturellement que la République serait isolée et coupée de tous les alliés qu'elle saurait avoir.

Ajoutez à cela le plan que la cour de Vienne a mis sur le tapis en France par rapport à la cession à faire à la maison d'Autriche des possessions de Don Philippe en Italie contre une bonne partie des provinces de Brabant, de Flandre et du Luxembourg,157-3 à quoi la reine de Hongrie ajouterait le reste de la totalité de ses possessions des Pays-Bas, pourvu que la France l'assisterait pour me dépouiller de la Silésie. Que, les deux principaux appuis en Allemagne de la religion protestante étant ainsi mis à côté, il ne leur coûterait plus guère, d'achever le reste du projet. Qu'il était aisé de prévoir les mauvaises conséquences qui en résulteraient pour la République; car, l'ayant privé des alliés qu'elle saurait avoir, et la cession des Pays-Bas autrichiens faite à la France, la République ne serait plus considérée que comme une province de la France.

Que les moyens donc pour obvier à tant de maux, seraient que la République se liât avec l'Angleterre et avec moi pour notre défense commune, qu'elle augmentât ses troupes pour se rendre formidable et pour assembler l'année qui vient une armée du côté de Westphalie, qui serait d'une grande utilité dans ces circonstances critiques pour couvrir les États de la République et ceux de leurs alliés, afin de maintenir par là la neutralité de l'Allemagne, par où non seulement la<158> religion protestante serait hors de danger d'être opprimée, mais que la République aurait encore la gloire d'avoir beaucoup contribué au maintien de la liberté de l'Allemagne et à l'indépendance de ses princes. Vous observerez cependant en ceci que vous ne déploierez pas ces arguments que je vous suppédite, tous à la fois, pour ne pas effaroucher d'abord les esprits, mais plutôt pas à pas, en commençant de leur faire comprendre la vraisemblance du susdit projet et le grand préjudice qui en résulterait à la religion protestante; vous citerez l'exemple de Hesse-Cassel et des mauvais procédés dont la cour de Vienne a usé vis-à-vis du Landgrave;158-1 vous continuerez à leur faire envisager que c'était à présent le moment le plus propre pour maintenir la liberté de la République et en même temps celle de l'Allemagne, et quand vous aurez gagné leur confiance, vous leur représenterez le reste.

Au surplus, je veux bien vous dire, quoique pour votre direction seule, que les finances de la République ne sont pas si mauvaises, comme on les fait passer au dehors, et je suis informé158-2 qu'elles sont présentement en meilleur état qu'elles n'étaient avant le commencement de la guerre qu'il fallut soutenir pour la succession d'Espagne, où cependant la République avait au delà de 100,000 hommes, partie en propres troupes, partie en auxiliaires, et que je ne doute pas que vous ne sachiez amener les Régents de la République à contracter une alliance entre elle et entre le roi d'Angleterre et moi, pourvu que vous sachiez leur démontrer et persuader que la religion courrait risque et était en danger, et que la République pourrait beaucoup contribuer à son soutien en procurant de l'assistance aux Protestants contre la France.

Federic.

Nach dem Concept.



157-1 Vergl. S. 147.

157-2 Vergl. S. 105. 114. 122.

157-3 Vergl. S. 131.

158-1 Vergl. Bd. XII, 510.

158-2 Vergl. Nr. 7777.