7829. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A COMPIÈGNE.

Potsdam, 10 août 1756.

La dépêche que vous m'avez faite du 29 de juillet, m'a été fidèlement rendue. Quant à la négociation qui est sur le tapis entre les cours de Versailles et de Pétersbourg, j'en suis présentement à peu près au fait.199-1 La commission dont le sieur Douglas est chargé,199-2 roule principalement sur les moyens de rétablir une bonne correspondance entre les deux cours, et il ne s'agit pas dans le moment présent de prendre d'autres engagements entre elles. Douglas ne se trouve muni d'aucun plein-pouvoir pour cet effet, et toute sa négociation n'aboutira vraisemblablement qu'à l'envoi réciproque de quelques ministres, de sorte qu'on négociera, mais qu'il n'en aboutira grande chose, au moins à ce que je crois.

J'ai appris d'ailleurs199-3 que le comte d'Aubeterre à Vienne va faire un voyage en France; à ce qu'il dit, ce n'est que sur ses affaires particulières qu'il entreprend ce voyage, et qu'il en irait retourner dans le mois de janvier, quoique d'autres présument que, selon les arrangements qu'il fait, il y avait toute l'apparence qu'il ne reviendra pas. Quant à moi, je crois qu'il saurait être chargé par la cour de Vienne de quelques commissions qui ne sauront point être avantageuses à mes intérêts; c'est pourquoi je vous en avise, afin que vous employiez toute votre adresse pour savoir en quoi ses commissions consistent, et quel succès elles auront.

Pour ce qui regarde mes propres affaires, il faut bien que je vous dise qu'elles sont encore dans la même situation critique. Je vous ai déjà fait informer de la réponse vague et équivoque que j'ai eue de la Reine-Impératrice à la demande que je lui ai fait faire relativement à ses armements extraordinaires sur mes frontières;199-4 je me suis vu obligé par là de revenir à la charge en ordonnant à mon ministre de lui demander une autre audience particulière,199-5 pour lui dire que, dans la situation présente des affaires, l'importance en exigeait des explications plus claires, que ni les États de la Reine-Impératrice, ni ceux de ses<200> alliés n'étaient menacés d'aucune attaque, mais bien les miens, que, pour ne lui rien dissimuler, on m'avait informé, d'une manière à n'en pas douter, qu'il y avait un concert pris entre elle et la cour de Pétersbourg de m'attaquer inopinément, celle de Russie avec 120,000 hommes et l'Impératrice-Reine avec une armée de 80,000 combattants;200-1 que ce projet, qui devait se mettre en exécution dès le mois de mai de cette année, avait été différé à cause que les troupes russes avaient manqué de recrues, leur flotte de matelots et la Livonie de blés pour les nourrir, et que les deux cours étaient convenues de ne remettre les choses que jusqu'au printemps qui vient. Et, comme il me revenait que l'Impératrice rassemblait ses forces principales en Bohême et en Moravie, que les troupes campaient à peu de distance dé mes frontières, qu'on faisait des amas considérables de munitions de guerre et de bouche, que l'on tirait des cordons de troupes irrégulières le long de mes frontières, comme si nous étions en pleine guerre, je me croyais en droit d'exiger de l'Impératrice une déclaration formelle et catégorique, consistant dans une assurance verbale ou par écrit qu'elle n'avait aucune intention de m'attaquer ni cette année-ci, ni l'année qui vient; soit que cette déclaration se fasse par écrit ou verbalement en présence des ministres de France et de l'Angleterre, que cela m'était égal et dépendait du bon plaisir de l'Impératrice; qu'il fallait savoir si nous sommes en guerre ou en paix, j'en rendais l'Impératrice l'arbitre; si ses intentions étaient pures, que c'était le moment de le mettre au jour, mais que, si on me donnait une réponse en style d'oracle, incertaine et non concluante, l'Impératrice n'aurait qu'à se reprocher les suites qu'attirerait la façon tacite dont elle me confirmerait les projets dangereux qu'on avait formés contre moi, et que j'attestais le Ciel que j'étais innocent des malheurs qui s'ensuivraient. Voilà toute la dépêche que j'ai faite à ce sujet à mon ministre à Vienne, dont aussi j'ai fait faire communication au marquis de Valory.200-2 C'est, à présent, la réponse de la Reine-Impératrice que j'attends, et qui décidera de la paix ou de la guerre.

Au surplus, j'appréhende fort que tout ceci ne plaise pas aux Français, après qu'ils se sont une fois livrés dans les mains des Autrichiens et pleins de prévention contre moi.

Au reste, on dit que le maréchal de Belle-Isle avait des intelligences secrètes en Angleterre.200-3 Comme ceci est un peu scabreux, je vous saurais un gré particulier si vous pouviez approfondir et vous mettre au fait en quoi ces intelligences consistent, et quel est proprement le plan d'opération du maréchal de Belle-Isle, si c'est encore le même que vous m'avez communiqué autrefois ou s'il y a eu du changement; en m'informant bien de tout ceci, vous me rendrez un service dont je vous tiendrai particulièrement compte.

Comme les bruits d'un corps de troupes que la France assemble du côté de la Meuse sous les ordres du prince de Conty, vont en<201> augmentant,201-1 vous devez prendre attention là-dessus et être en garde de ne pas vous laisser endormir, ni imposer par de faux avis.

Federic.

Nach dem Concept.



199-1 Das Folgende auf Grund einer Mittheilung des durch Berlin reisenden holländischen Gesandten Swart in Petersburg an den preussischen Geheimrath Warendorff, den ehemaligen preussischen Minister in Petersburg (vergl. Bd. VII, 423; VIII, 590). Vergl. auch S. 202.

199-2 Vergl. Bd. XII, 513.

199-3 Bericht Klinggräffen's, Wien 31. Juli. Vergl. Nr. 7830.

199-4 Vergl. Nr. 7722. 7795.

199-5 Vergl. Nr. 7795.

200-1 Vergl. S. 95. 105. 114. 151.

200-2 Vergl. S. 177.

200-3 Vergl. S. 192.

201-1 Nach Mittheilung des Herzogs von Braunschweig, d. d. Braunschweig 2. August. Vergl. S. 184.