8592. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A ERLANGUE.

[Dresde,] 7 [février 1757].

Ma très chère Sœur. Vos lettres me font toujours le même plaisir, ce me sont des gages de votre amitié et de votre santé. Nous avons été dans de très grandes inquiétudes pour notre chère mère,254-2 je ne vous en ai rien écrit, pour ne vous point alarmer. Elle a eu un rhume de poitrine avec des mouvements fiévreux, son sommeil était perdu, et dans son grand âge cela fait prodigieusement craindre pour elle; mais, à présent, elle se remet de jour en jour. Veuille le Ciel nous la conserver encore longtemps!

A lire les nouvelles publiques, on dirait qu'une meute de rois et de princes veulent me donner la chasse, comme à un cerf, et ils invitent de leurs amis pour assister à la curée. Pour moi, je ne suis point du tout, résolu à les laisser faire, et je me flatte même fort de faire leur curée. Quelque envie qu'ils aient de commencer une campagne<255> précoce, il est impossible qu'ils agissent avant le 12 ou 15 de mai, à cause des semailles. Leurs préparatifs de Prague ne sont pas aussi considérables qu'on le suppose. Nous avons fort bien eu jusqu'à 3,000 hommes qui travaillaient pour le service de l'artillerie. Cela paraît étonnant à ceux qui ne sont pas au fait de pareils préparatifs; mais, quand il faut préparer l'hiver tout ce que l'on doit consumer pendant l'été, il faut beaucoup d'ouvrage et de travail.

Les Français viendront joindre les Autrichiens255-1 auprès de Nuremberg, et de là ils partiront pour marcher tout droit vers le pays de Magdebourg; mais on traitera cette armée venant de Nuremberg comme ce que les Allemands appellent Nürenberger Waare.

Voilà, ma très chère Sœur, encore bien de guerre et de politique; mais j'en ai, malgré moi, la tête si pleine que Colin en revient toujours à ses moutons.

Mon frère de Prusse a pris la goutte, mais sans danger.255-2

Je vous embrasse, ma très chère Sœur, de tout mon cœur, vous priant de me croire avec la plus parfaite tendresse, ma très chère Sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



254-2 Vergl. S. 243.

255-1 Die aus den Niederlanden kommenden österreichischen Truppen. Vergl. S. 33.

255-2 Vergl. Nr. 8581.