8711. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Dresde, 11 mars 1757.

Je me sers de l'occasion d'un courrier que le sieur Mitchell dépêche à sa cour, pour vous marquer que, malgré les assurances les plus fortes que le ministère d'Angleterre m'a données,358-1 et la déclaration que le Parlement a faite,358-2 qu'il assistera de bon cœur à former une armée d'observation pour la défense juste et nécessaire des États du Roi et pour le mettre en état de remplir ses engagements avec moi, il me paraît que le ministère d'Hanovre, épris des paroles emmiellées de la cour de Vienne et par sa trompeuse offre d'une neutralité à observer d'elle et de ses alliés à l'égard des États d'Hanovre, ne chemine nullement droit et travaille plutôt par des lenteurs affectées de rendre vaines, soit directement soit par des voies indirectes, les bonnes intentions que le Parlement et la nation ont déclarées à cet égard.

Voici ce que mon lieutenant-général comte de Schmettau me marque du 8 de ce mois.358-3 Que, malgré toutes les nouvelles sûres qu'on avait à Hanovre de la marche instante d'un corps d'armée française vers le Rhin, le baron de Münchhausen prétendait qu'il n'était pas possible que la nouvelle en était vraie, et bien que ledit général lui a fait voir toute la possibilité, il n'en avait pu persuader les ministres d'Hanovre, et que jusqu'au susdit jour l'ordre n'était pas encore parti pour la marche de leurs régiments, qui en partie avaient trois semaines, avant que de pouvoir être aux environs d'Hanovre; qu'il manquait encore des tentes aux troupes arrivées d'Angleterre,358-4 et, malgré ce que les ministres assuraient que leurs magasins étaient fournis, lui, le général Schmettau, savait de bonne part qu'ils ne l'étaient, et qu'il n'y avait presque rien en fourrage. Que ce qu'il leur disait à ce sujet, était inutile, et qu'à peine il en savait tirer une réponse et qu'il lui paraissait qu'ils ne seraient pas fâchés d'être quittes d'un homme comme lui, qui éclairait de si près leur manière d'agir, quoique le baron de Münchhausen lui avait fait l'autre jour un compliment fort poli, disant que le Roi son maître lui avait ordonné de lui dire qu'il était très satisfait de son zèle.

Qu'il avait dit à ce ministre d'avoir des lettres sûres que les Palatins faisaient des augmentations dans leurs troupes; il lui avait répondu que M. Beckers à Manheim — ministre palatin tout vendu à la cour de Vienne358-5 — lui avait assuré qu'on n'y songeait pas.

Enfin qu'il hasardait sur l'article des Messieurs de la régence à Hanovre de faire les réflexions suivantes. Qu'en considérant leur tranquillité, il pensait quelque moment que, malgré qu'ils étaient naturellement lents, il était impossible qu'ils le fussent au point d'être ravagés, s'ils ne se pressaient pas pour leur défense, et qu'ainsi il se<359> pourrait bien qu'ils étaient assurés d'avoir la neutralité par le moyen de la cour de Vienne. Mais, afin que cette neutralité eût quelque apparence, ils tiendraient leurs troupes derrière le Wéser, et lorsqu'une force formidable s'avancera, ils prétendraient être très excusables, parceque, selon eux, ne pouvant résister, ils avaient été obligés d'accepter la neutralité qu'on leur avait offerte, et que, dans ce cas-là, le roi d'Angleterre, leur souverain, contre ses sentiments et contre sa volonté, pourrait être obligé de déférer aux sentiments des ministres d'Hanovre.

Le comte Schmettau continue que, quand il considérait combien de temps il lui avait fallu pour les porter à faire assembler leurs généraux, afin que ceux-ci donnassent aux ministres les éclaircissements sur les points nécessaires pour rendre l'armée mobile et la mettre en état de pouvoir agir, et qu'il s'était offert de se rendre à leurs conférences, pourvu qu'ils le voudraient, ou de lui en communiquer le résultat pour en pouvoir faire son rapport à moi, et qu'après un délai de dix jours pour de vaines cérémonies entre les généraux et le ministère, les premiers s'étaient assemblés, — le général de Zastrow ne lui avait dit que quelques jours après, par manière de discours, qu'ils avaient résolu de faire un cordon derrière le Weser; et quand il lui avait fait voir que ce cordon serait bientôt coupé et rompu au milieu, mais qu'il fallait de toute nécessité avancer du moins une tête forte vers la Lippe ou la Ruhr, le susdit général lui avait répondu que cela se pourrait faire avec le temps et qu'il fallait des lettres réquisitoriales pour aller en cette position. Sur quoi, le comte Schmettau ayant repris que, pour se mettre à Lippstadt, il n'y avait nulles réquisitoriales à demander, hormis au comte Rittberg, où il suffirait d'envoyer un officier au bailli, pour mettre en état le pont de la digue, il n'avait eu qu'une réponse piquante.

Que tous ces manèges lui donnaient d'autant plus de soupçons que, malgré ce qu'il représentait aux ministres, depuis un mois, de la nécessité d'occuper les villes de Bielefeld, Herford, Lippstadt et Hamm, ils en faisaient les sourdes oreilles, marque peu équivoque qu'ils craignaient de se commettre en aucune façon, et quand on leur représenta qu'en avançant leurs troupes, ils étaient la subsistance aux ennemis, lui, le général Schmettau, n'avait point de réponse.

Que, de plus, ayant fait l'autre jour la demande qu'il fallût que je donnasse un corps d'armée pour soutenir le pays de Hesse, quoiqu'ils en [pussent] prévoir l'impossible de ma part dans la situation où je me trouve, il en soupçonnait qu'il y avait de l'artifice dans cette demande, pour en tirer un jour la conclusion que je n'avais pas voulu les soutenir.

Qu'au surplus, selon des avis sûrs, le corps des troupes françaises qui devait arriver au Rhin le 15 de ce mois, n'était point considérable, et que le ministère était à même de lui faire tête par les troupes et<360> de manger même le pays d'avance, mais qu'ils n'y étaient nullement disposés.

Qu'au reste, la dernière poste de Londres ayant apporté l'ordre que le général Zastrow commanderait les troupes en chef et par conséquent toute l'armée, il y avait à craindre que les affaires n'allassent lentement et très mal. Que quelqu'un sorti depuis quinze jours de l'Angleterre, ayant parlé au duc de Cumberland, en avait été assuré qu'il ne croyait point être envoyé pour cette année commander cette armée.

Au reste, vous savez que j'ai fait offrir au ministère d'Hanovre les six bataillons de la garnison que je retirerai de Wésel,360-1 pour joindre les troupes d'Hanovre à Lippstadt, auxquels cependant on ne fournirait que le pain de munition et les fourrages. Comme le général Schmettau leur a demandé la réponse depuis le 17 de février là-dessus,360-2 de même que si on voulait pousser une tête en avant sur la Lippe,360-3 comme on en était déjà convenu, aussi sur l'assemblée de leur armée, le jour de l'assemblée et la manière qu'on posterait les troupes, afin de pouvoir m'en faire un rapport par le courrier qu'il était sur le point de me dépêcher, — il n'avait malheureusement eu d'autre réponse que de donner le lendemain un mémoire par écrit là-dessus et qu'on y aviserait. Sur quoi, il leur avait représenté qu'il était plus de trois semaines qu'il n'avait fait que leur faire des représentations là-dessus.

Voilà un assez long détail de ce que le dernier rapport du général Schmettau comprend, dont j'ai cru cependant nécessaire de vous informer, non pas pour me plaindre dudit ministère et moins encore pour le mettre mal dans l'esprit de leur maître, mais afin que vous en parliez à milord Holdernesse, afin de lui représenter combien mes affaires et même celles de l'Angleterre en risqueraient, à moins qu'on ne mît plus de chaleur et de vivacité à prendre de bonnes mesures pour opposer un corps d'armée, afin de défendre seulement l'entrée libre aux troupes françaises en Westphalie, et pour ne pas pouvoir me prendre à dos dans le moment présent; ce qui ne saurait absolument que retomber sur les États d'Hanovre, si une fois les Français réussissent à m'accabler. Vous lui représenterez d'ailleurs combien j'avais lieu de soupçonner que le ministère d'Hanovre se laisserait éblouir par la neutralité trompeuse et momentanée, sans penser aux suites funestes qui leur en résulteraient, et les justes appréhensions que j'avais qu'ils travaillaient à obliger le Roi leur souverain, soit directement soit indirectement, pour prêter les mains contre son gré et contre celui de son ministère anglais [à leurs desseins]. Que je perdrais également — le malheur d'être abandonné m'arrivant d'Angleterre ou d'Hanovre, ou par les lenteurs que les ministres hanovriens affectaient pour se mettre en posture d'une bonne défense, ou même par la faute d'un général<361> commandant les troupes — et que je priais instamment lui, milord Holdernesse, en ami et comme le ministre qui avait renoué les liaisons entre moi et l'Angleterre par cette convention361-1 en haine de laquelle je m'étais mis tant d'ennemis à dos, de m'avertir tout naturellement de ce que j'aurais à espérer ou non sur tous ces sujets-là, afin que je saurais prendre mes mesures là-dessus. J'attendrai avec impatience le rapport que vous m'en ferez.

Federic.

Nach dem Concept.



358-1 Vergl. S. 292.

358-2 Vergl. S. 331. 338. 344.

358-3 Vergl. Nr. 8716.

358-4 Vergl. S. 277.

358-5 Vergl. Bd. X, 534; XI, 483.

360-1 Vergl. S. 348.

360-2 Vergl. S. 276.

360-3 Vergl. S. 145. 278.

361-1 Die Neutralitätsconvention vom 16. Januar 1756. Vergl. S. 277. 281; Bd. XI, 474. 475; XII, 503.