<26> par son front, ordonna au maréchal de Schwerin de marcher par sa gauche et de faire en sorte de tourner les ennemis et de leur gagner le flanc. Le Maréchal marcha, et la marche fut longue. Enfin, il revint et dit au Roi : « Sire, pour leur flanc, nous l'avons. » Le Roi s'y porta d'abord, fit défiler le reste de l'armée à travers un village1 qui nous arrêta longtemps. On forma, d'abord après, la première ligne, et le Maréchal, qui commandait l'aile gauche, la première ligne se trouvant formée, fit attaquer. Le Roi marcha du côté du centre pour continuer à mettre l'armée en ordre de bataille. Notre gauche souffrit d'abord beaucoup, et les ennemis la menèrent battant près d'une demiheure. Ce fut là que le maréchal de Schwerin, voyant ce désordre, et que son régiment pliait aussi, prit un drapeau à la main, et, encourageant ses soldats, il reçut un coup de feu dans la tête et dans la poitrine, dont il expira sur-le-champ. Le drapeau qu'il tenait à la main, couvrit tout son corps. #Le Roi continua à donner ses ordres avec le même sang-froid que si tout était bien allé; il envoya des troupes à cette aile gauche, fit rallier les fuyards et rétablit si bien le combat, que les ennemis, à leur tour, furent battus et si bien poursuivis, qu'ils ne purent jamais se rallier. La déroute fut totale : ils n'avaient pas deux hommes ensemble, l'infanterie était pêle-mêle avec la cavalerie.

Il fallait encore battre leur [gauche],2 qui se trouvait dans des postes presque inaccessibles. Nos troupes, malgré leur lassitude et malgré les difficultés presque insurmontables, ne se rebutèrent point. Elles escaladèrent les rochers, chassèrent les ennemis de partout. Leur armée se débanda absolument; une partie fuit du côté de la Sazawa, et l'autre partie entra dans Prague, où il y a environ 50,000 hommes. Le prince Charles, le maréchal Browne, le prince de Saxe,3 le prince Louis de Wurtemberg et la plus grande partie de leurs généraux y sont aussi. Le Roi est campé avec son armée autour de la ville et a pris toutes les précautions pour les faire prisonniers, ou du moins pour qu'ils n'en échappent pas, sans qu'il leur en coûte horriblement cher.

Le duc de Bevern a marché au devant du maréchal Daun, qui veut tenir encore contenance. B a ordre de lui livrer bataille. Ainsi le Roi se trouvera par là, en moins d'un mois, avoir conquis un royaume et dissipé presque toutes les forces de la maison d'Autriche.

Le maréchal de Browne a été blessé à la jambe; nous avons fait beaucoup de prisonniers et pris une grande quantité d'étendards, ainsi que des pièces de canon. Outre le maréchal de Schwerin, nous avons perdu le général d'Amstel, le duc de Holstein, le colonel Goltz, M. de Hautcharmoy; les généraux Fouqué, de Winterfeldt, d'Ingersleben, de Kurssell et plusieurs autres officiers ont été blessés. On a perdu sans doute beaucoup de braves gens; mais si vous voyiez le terrain, vous



1 Potschernitz.

2 In der Vorlage „droite“ .

3 Prinz Xaver von Sachsen.