<352> faiblesse. Je suis très résolu de lutter encore contre l'infortune : mais en même temps suis-je aussi résolu de ne pas signer ma honte et l'opprobre de ma maison. Voilà, ma chère sœur, ce qui se passe dans le fond de mon âme, et la confession générale que je vous fais de ce qui m'agite actuellement.

Quant à vous, mon incomparable sœur, je n'ai pas le cœur de vous détourner de vos résolutions.1 Nous pensons de même, et je ne saurais condamner en vous les sentiments que j'éprouve tous les jours. La vie nous a été donnée par la nature comme un bienfait; dès qu'elle cesse de l'être, l'accord finit, et tout homme est maître de finir son infortune, le moment qu'il le juge à propos. On siffle un acteur qui reste sur la scène, quand il n'a plus rien à dire. On plaint les malheureux les premiers moments; le public se lasse bientôt de sa compassion, la malignité humaine les critique, on trouve que tout ce qui leur est arrivé, c'est eux qui se le sont attiré, on les condamne, et l'on finit par les mépriser. Si je suis le cours ordinaire de la nature, le chagrin, ma mauvaise santé abrégeront mes jours en peu d'années. Ce serait survivre à moi-même et souffrir lâchement ce que je suis maître d'éviter. Il ne me reste que vous seule dans l'univers qui m'y attachiez encore; mes amis, mes plus chers parents sont au tombeau; enfin j'ai tout perdu. Si vous prenez la résolution que j'ai prise, nous finissons ensemble nos malheurs et notre infortune, et c'est à ceux qui restent au monde, à pourvoir aux soins dont ils seront chargés, et à porter le poids que nous avons soutenu si longtemps. Ceci sont, mon adorable sœur, de tristes réflexions; mais elles conviennent à mon état présent. Au moins ne pourra-t-on pas dire que j'aie survécu à la liberté de ma patrie et à la grandeur de la maison, et l'époque de ma mort deviendra celle de la tyrannie de la maison d'Autriche. Mais qu'importe ce qui arrivera, quand je ne serai plus? Ma mémoire ne sera pas chargée des malheurs qui arriveront après mon existence, et l'on reconnaîtra, mais trop tard, que je me suis opposé, jusqu'à la fin, à l'oppression et à l'esclavage de ma patrie, et que je n'ai succombé que par la lâcheté de ceux qui, au lieu de se joindre à leurs défenseurs, ont pris le parti de leurs tyrans.

J'ai été avant-hier à Gotha. C'était une scène touchante de voir des compagnons de son infortune qui formaient les mêmes regrets et poussaient les mêmes plaintes. La Duchesse est une femme qui a un mérite réel, et qui a une fermeté qui fait honte à bien des hommes.2



1 Die Markgräfin hatte in einem undatirten Schreiben geäussert: „, Votre sort décidera du mien. Je ne survivrai ni à vos infortunes ni à celles de ma maison.“ Das Schreiben wird vom „16. September“ zu datiren sein, nicht, wie in den Œuvres Bd. XXVII, I. S. 301 angenommen, vom „15. September“ ; denn die Markgräfin bestätigt in dem Schreiben den Empfang eines königlichen Schreibens vom 14., womit nur dasjenige vom 15. (Nr. 9337) gemeint sein kann.

2 Vergl. das Schreiben des Königs an die Herzogin von Gotha vom 16. September. Œuvres XVIII, 166.