8917. RELATION DE L'EXPÉDITION DE BOHÊME DES DEUX ARMÉES PRUSSIENNES, TANT DE CELLE DE SAXE QUE DE CELLE DE LA SILÉSIE.19-1

Le maréchal de Schwerin entra le 18 d'avril en Bohême, il déboucha par cinq endroits. La colonne qui marcha sur Schatzlar, pensa y surprendre les deux princes de Saxe qui s'y trouvaient justement;19-2 celle qui passa par Golden-Œls, pour s'avancer sur Trautenau, trouva 300 pandours postés sur une hauteur, qu'elle tourna et dont elle prit, tua ou blessa près de 100 hommes.19-3 Les cinq colonnes se joignirent à Kœniginhof.

Le prince de Bevern, qui devait joindre le Maréchal à Turnau, marcha le 20 du côté de Reichenberg; il poussa 300 chevaux d'une avant-garde des Autrichiens dont il fit 160 prisonniers; de là il marcha sur Reichenberg, où il attaqua un corps autrichien de 20,000 hommes. Le 21 d'avril ce corps était retranché et avait fait des abattis devant lui; à sa droite se trouvait la ville de Reichenberg, devant laquelle il y avait des redoutes entourées de trous de loup. Ce poste fut attaqué par la gauche, et dès que les Autrichiens plièrent, notre droite donna. Elle chassa les Autrichiens des abattis, notre cavalerie battit totalement celle des ennemis, l'infanterie força les redoutes, prit la ville, et les Autrichiens furent mis dans une entière déroute. Le prince de Bevern poursuivit les ennemis jusqu'auprès de Liebenau, où l'ennemi se plaça derrière des défilés, ce qui empêcha les Prussiens de le poursuivre plus loin.

Le 24 le maréchal de Schwerin prit ce corps qu'on dit avoir été commandé par le général Starhemberg —, ce qui l'obligea de fuir. Il voulut se replier sur Jung-Bunzlau, mais le Maréchal gagna ce poste avant l'ennemi et y prit un magasin considérable que les ennemis y avaient formé. Le prince de Bevern joignit l'armée de Silésie, Monsieur de Starhemberg se replia sur Prague. Son arrière-garde fut entamée par nos hussards, qui en défirent une grande partie.

Le Maréchal s'avança le 27 jusqu'à Benatek,19-4 le général Wartenberg marcha sur le Vieux-Bunzlau, et il défit en chemin près de 1500 pandours et hussards, dont 400 furent tués ou faits prisonniers. Le brave général de Wartenberg y fut tué.19-5

Le 29 le général Fouqué marcha sur Bunzlau, le 30 il s'empara de Brandeis; le 1er et le 2 et le 3 se passèrent à réparer les ponts; le 4 le Maréchal passa l'Elbe : nous le laisserons là pour en venir à l'expédition de l'armée de Saxe.

Le prince d'Anhalt, qui avait commandé le corps prussien posté vers Zwickau et Chemnitz, après quelques mouvements qu'il fit faire à son corps vers Eger, déboucha le 20 en Bohême par le Basberg sur<20> Kommotau. Le 21 l'armée du Roi marcha à Nollendorf, l'avant-garde à Karbitz et un détachement commandé par le général Zastrow sur Aussig. Le 22 l'armée du Roi marcha à Hlinay, le prince Maurice d'Anhalt à Briix, ce qui fit replier tous les quartiers des ennemis vers l'Eger.

Aussig fut pris, Tetschen résista et ne fut occupé que le 27. Nous perdîmes le général de Zastrow et une trentaine de soldats à cette expédition.

Le 23 l'armée se rassembla, le corps du prince d'Anhalt joignit celui du Roi; le 24 nous marchâmes à Trebnitz, où nous découvrîmes un corps d'Autrichiens posté à Budin derrière l'Eger. Le 25 toute l'armée se rassembla dans ce camp, et sur la nouvelle que l'on eut, qu'un corps était en marche d'Eger pour se joindre au maréchal de Browne, il fut résolu de passer la rivière d'Eger la nuit même, pour couper ce corps, s'il était possible. Nous établîmes deux ponts à Koschtitz, mais nous ne pûmes commencer à défiler qu'à 8 heures du matin. Nos premières troupes occupèrent les hauteurs, nos troupes légères avancèrent pour prendre langue. Les troupes venant d'Eger voulaient établir leur campement à Perutz. L'arrivée de nos hussards leur fit changer de dessein, elles se replièrent en arrière, et le temps qu'il fallait à nos troupes pour passer la rivière, nous empêcha de les atteindre. Cependant un détachement de notre cavalerie avança vers Budin. Les Autrichiens, qui voyaient que leur poste était tourné, et qu'ils seraient coupés du corps d'Eger, se retirèrent à Welwarn; nos hussards donnèrent dans leur arrière-garde et firent 30 prisonniers.

Le 28 nous prîmes le camp de Budin, et le 29 se passa à rétablir les ponts de l'Eger que l'ennemi avait rompus. Nous trouvâmes à Budin et à Charwatetz des magasins assez considérables. Le 29 nous marchâmes à Welwarn, le 30 tous les grenadiers de l'armée, 20 escadrons de hussards et 20 de cuirassiers et dragons suivirent la marche des ennemis; on vit leurs colonnes qui défilaient et une arrière - garde qui faisait mauvaise contenance. Le général Zieten l'attaqua, les mit en déroute et fit sur eux un capitaine, un lieutenant et 30 prisonniers.

Le 2 de mai l'avant-garde s'avança au Weissen Berg, et nous apprîmes que l'ennemi se retirait à travers de Prague. Nous occupâmes toutes les hauteurs et les vignes aux environs de la ville, et l'armée s'y posta, sans que l'ennemi nous disputa le moindre terrain. Le 5 un détachement de l'armée marcha à Selz, où il fit des ponts sur la Moldau; le 6 au matin le Roi se joignit avec ce détachement à l'armée du maréchal de Schwerin, et il fut résolu d'attaquer l'ennemi le jour même.

Monsieur de Browne était campé, son aile gauche à la montagne de Ziska, sa droite vers Strebohol sur une hauteur. Il fut résolu de tourner son camp. L'armée prussienne défila par la gauche par Potschernitz; Monsieur de Browne, qui s'aperçut de ce mouvement, défila par sa droite, pour ne point se laisser prendre en flanc; les<21> Prussiens marchèrent au delà de Biechowitz par des défilés et des marais, ce qui sépara un peu l'infanterie : elle attaqua avec trop de précipitation, ce qui fut cause qu'elle fut repoussée la première fois. Le maréchal de Schwerin, sans contredit le plus grand général de ce siècle, y fut tué, le drapeau de son régiment à la main. Dès que notre infanterie se fut jointe, elle attaqua de nouveau la droite des Autrichiens et l'enfonça. La cavalerie de notre gauche, après trois charges, obligea toute la cavalerie autrichienne qui était à la droite de l'armée, de prendre la fuite; notre centre mit d'abord l'infanterie autrichienne en déroute et la poussa à travers de son camp qui était encore tendu; notre gauche marcha vers Michle, de la cavalerie s'y joignit, et nous coupâmes l'armée autrichienne, dont la droite s'enfuit vers la Sazawa.

Alors notre droite attaqua la gauche de Monsieur de Browne, elle prit trois batteries placées sur des hauteurs qu'il fallut forcer successivement. La droite de notre cavalerie n'a point eu occasion de donner. Le prince Henri de Prusse et le prince de Bevern, qui chacun de leur côté ont fait des merveilles, ont pris deux batteries, le prince Ferdinand de Brunswick a pris cette gauche des Autrichiens en flanc, et comme le Roi avec sa gauche et un corps de cavalerie avaient déjà gagnés la Moldau, toute l'infanterie autrichienne fut obligée de se jeter dans Prague. Elle espérait d'en ressortir du côté de Kœnigsaal, mais l'armée du maréchal de Keith lui en bouchait le passage, de sorte qu'un gros corps d'infanterie, de cavalerie et de hussards s'y trouve renfermé.

On tâche à présent de les y resserrer le plus que possible et de les obliger à se rendre. Le colonel de Puttkammer, qui poursuit ceux qui se sont enfuis du côté de Beneschau, a fait donner avis que l'ennemi est tout débandé, qu'il fait nombre de prisonniers sur eux, et que tout le corps s'enfuit vers Budweis.

Nous avons fait beaucoup de prisonniers sur l'ennemi, jusqu'à présent leur nombre passe les 4000. Nous avons près de 60 de leurs canons, 10 étendards, 30 officiers, et il est encore impossible de rendre compte de tout dans ces premiers moments. Nous avons perdu 2500 hommes morts et près de 3000 de blessés. B est inutile de dire que nous regrettons beaucoup le maréchal de Schwerin. Le général Amstel a été tué, le général Winterfeldt, Fouqué et Hautcharmoy21-1 légèrement blessés, ainsi que le général de Blanckensee et de Plettenberg de la cavalerie. Le prince de Holstein, colonel du régiment de Würtemberg-infanterie, le colonel Goltz de Fouqué et Manstein d'Anhalt, ainsi que le lieutenant-colonel Rhoë21-2 ont été tués.

Voilà comment cette expédition s'est terminée, dont il faudra voir quelles seront les suites.

Eigenhändig.

<22>

19-1 Vergl. Nr. 8916. Für die Einzelheiten der Relation vergl. Seite 1—17 dieses Bandes und Bd. XIV, 556. Die Daten der Relation sind mehrfach ungenau.

19-2 Die Prinzen Karl und Xaver von Sachsen. Vergl. Bd. XIV, 104.

19-3 Vergl. Bd. XIV, Nr. 8886.

19-4 Schwerin marschirte nach seinen Berichten erst am 1. Mai bis Benatek. Vergl. S. 1 Anm. 1.

19-5 Vergl. S. 5.

21-1 Vergl. S. 17 Anm. i.

21-2 Nach den Akten der Königl. Geh. Kriegskanzlei ist Andreas Wilhelm von Rhoë seit dem 16. Februar 1757 Oberst im Regiment Lestwitz.