9033. AU DUC RÉGNANT DE BRUNSWICK AU CAMP DE BRACKWEDE.117-2

Camp de Prague, 2 juin 1757.

Monsieur mon Frère et Cousin. J'ai reçu la lettre que vous avez pris la peine de me faire du camp de Brackwede le 28 du mois passé de mai, et suis infinement obligé à Votre Altesse des informations qu'Elle a bien voulu me donner de la situation des affaires de là-bas, tout comme des autres avis qu'Elle a bien voulu y joindre.117-3

Je suis persuadé que tout ce que nos ennemis font disséminer de gasconnades et d'ostentations, ne feront nulle impression. Elle connaît combien ces gens aiment à exagérer bien fort le nombre de leurs forces; ce que l'ennemi prend à tâche de faire ici, tout comme les Français aiment à renchérir encore sur les Autrichiens dans cet article.

Mais ce que je souhaiterais extrêmement, pour parler tout naturellement et en confiance à Votre Altesse, c'est que le duc de Cumberland voudrait tenir plus serré ensemble tout ce qu'il a de troupes sous ses ordres, et ne pas les éparpiller autant qu'il me paraît qu'elles le sont actuellement encore, puisque sans cela je suis dans de grandes appréhensions que les Français ne se rallient et ne tombent avec quelque corps en force sur l'un ou l'autre plus faible du Prince et ne le<118> renversent, le reste des troupes étant trop éparpillé pour le soutenir d'abord efficacement.

Quant à ce que Votre Altesse me marque touchant quelque troupe de mes hussards à détacher là,118-1 j'avoue que je m'y prêterais du meilleur de mon âme, n'en fus-je pas encore empêché par deux obstacles que je ne puis vaincre présentement encore, savoir que non seulement la grande étendue de la circonvallation autour de Prague que j'ai à observer, mais outre cela les fréquentes escortes qu'il me [faut] donner pour les transports des vivres et fourrages indispensablement nécessaires pour la subsistance de mon armée, demandent absolument que je garde pour cet usage auprès de moi ce que j'ai de deux régiments de hussards, et d'ailleurs il y en a quatre auprès du prince de Bevern, détaché pour observer le corps d'armée sous les ordres de Leopold Daun, avec lesquels il est obligé de soutenir contre 10 régiments de hussards que l'ennemi leur oppose, et qui font avec un gros corps de pandours l'avant-poste du maréchal Daun. Mais Votre Altesse peut être assurée que, dès que je verrai plus de succès par rapport à la ville de Prague et qu'il me sera possible de pouvoir me passer de quelque troupe de mes hussards, je la lui enverrai très volontiers.

Pour vous marquer ce qui est arrivé ici pendant le temps de ma dernière lettre à Votre Altesse,118-2 je Lui dirai qu'il y a six jours que l'ennemi au nombre de 16,000 hommes à peu près fit pendant la nuit une sortie de la ville de Prague,118-3 de l'autre rive de la Moldau, sur le corps de l'armée sous les ordres du maréchal Keith, mais qu'il fut repoussé avec une perte de 1000 hommes qu'il laissa sur la place. C'était à cette occasion que mon frère Ferdinand reçut une blessure, quoique très légère, et qui ne signifie presque rien, à la joue.

Pour matin l'ennemi réitéra une sortie,118-4 avec une infanterie et cavalerie assez nombreuse, de mon côté; mais, pour son malheur, il vint entre mes redoutes, où il reçut d'abord en flanc un feu de canons, ce qui le fit incessamment rebrousser chemin, sans s'avancer à cette distance de 1500 pas qu'il lui fallait faire pour nous approcher, avec une telle confusion comme s'il avait été battu en bataille. Dans la ville nous lui avons brûlé jusqu'à présent par nos bombes deux ou trois de ses magasins, et si on peut ajouter foi à ce que ses déserteurs qui nous sont revenus, nous assurent, les eaux de la Moldau, qui s'étaient accrues soudainement par les grosses pluies qui étaient tombées à quelques lieux d'ici, ont inondé la plupart des caves de la ville et les casemates où l'ennemi avait des provisions de farines.

Notre feu d'artillerie a d'ailleurs brûlé et ruiné la plus grande [partie] de sa boulangerie de neuf fourneaux; il y a, au surplus, une grande partie des maisons de la ville, à la Neustadt et à l'Altstadt, brûlées, que l'on compte au delà de 100, de sorte qu'il y a des quartiers<119> entièrement abandonnés; on prétend même que deux de leurs magasins à poudre ont sauté.

La garnison doit être de 40,000 hommes combattants et 9,000 de blessés. Les magasins qu'ils ont, ne doivent pas avoir été extrêmement fournis; ils en ont subsisté cinq semaines, à présent ils vivent des amas qu'ils ont trouvés dans les couvents et auprès du bourgeois. Pour de la viande et des autres denrées, il n'y en a plus. Il leur manque des boulets de canon, ayant fait sortir leur grosse artillerie vers Beneschau encore avant la bataille.

Mais comme il ne convient pas de faire le siège en forme d'une place garnie d'une aussi nombreuse garnison qu'il n'y en a guère d'exemple dans l'histoire, et qu'en conséquence il n'y a qu'un bombardement qui nous peut servir, il dépendra du hasard si quelques bombes tomberont sur ce qui reste de leurs magasins, pour les mettre en feu, afin de forcer par là la garnison à un accord d'une, ou d'autre façon.

Votre Altesse pardonnera la longueur de la lettre que je Lui fais; je n'y ajouterai que les protestations de l'amitié la plus vive et de l'estime sincère avec lesquelles je suis, Monsieur mon Frère et Cousin, de Votre Altesse le bon frère et cousin

Federic.

Nach dem Concept.



117-2 Der Herzog hatte sich seit Anfang Mai in das Lager der Verbündeten begeben.

117-3 Nachrichten über die französischen und die hannoverschen Truppen.

118-1 Vergl. Bd.XIV, 276. 348.

118-2 Nr.8972.

118-3 Vergl. S. 74—76.

118-4 Vergl. S. 111.