9041. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Au camp de Prague, 3 juin 1757.

Mon cher Podewils. Soli et secretissime! J'ai vu ce que vous m'avez appris, par votre rapport du dernier mai, des principaux articles de quelques lettres que le baron Münchhausen vous a faites.

A tout cela je vous dirai que, quant à l'armée d'observation sous les ordres du duc de Cumberland, s'il a 50,000 hommes ensemble et qu'il ne les éparpille pas, mais les tient ensemble assemblés, il n'aura jamais à craindre quelque chose de l'armée française, qui, malgré l'ostentation d'un bien plus grand nombre, auquel elle se fait annoncer, ne passe celui de 50 ou 52,000 hommes. Le seul cas que je crains, est que le susdit prince ne tienne ses troupes éparses, et que les Français, voulant profiter de cette position, n'assemblent quelque corps assez fort, pour tomber à l'improviste sur quelque corps du Prince plus faible,125-3 et qui ne saurait être soutenu assez à temps par les autres troupes trop éparses. Hormis ce cas, et si le Duc tient ses troupes assemblées et qu'il choisit quelque bon poste, je n'appréhende aucun effort des Français sur lui.

Quant à ma situation ici, vous devez savoir qu'il y a à Prague 40 jusqu'à 50,000 hommes, que je ne saurais quitter de vue. Si je veux détacher ici, il faut que je m'affaiblisse partout, ce qui mettrait l'ennemi à son aise de pouvoir pénétrer de tous côtés où il voudrait,<126> Il est vrai que les Autrichiens ont fait une perte très considérable par la dernière bataille, et qu'une grande partie de leurs troupes en est délabrée; mais, indépendamment de cela, il leur reste encore tant de troupes en Bohême que, pour ne pas perdre les avantages que j'ai eus, il faut indispensablement que je les tienne en respect et serrées, pour n'oser pas remuer. Sans cela, ils seraient capables de pénétrer dans la Saxe et de mettre par là en bredouille toutes mes affaires. Si donc je me vois nécessité de détacher présentement, ce ne sera qu'au seul cas que les Français feront marcher des troupes sur l'Eichsfeld ou par le Bamberg, afin de pénétrer par Eger ou en Bohême ou en Saxe, et alors je ne saurais plus m'en dispenser. Vous devez savoir d'ailleurs que le corps de troupes ennemies enfermé dans Prague est fourni de vivres pour deux mois encore, mais manquant de fourrages, tous leurs chevaux crèveront entre ci et quinze jours. Enfin, pour ne vous rien dissimuler, il faut que vous vous attendiez à quelque autre dénoûment ici en Bohême. Car ou le maréchal Leopold Daun viendra avec son corps d'armée pour tenter de secourir Prague, ou ceux qui y sont enfermés, voudront attendre le secours des troupes auxiliaires de l'Empire, ou peut-être même des Français. Si je reste ici en force, je serai en état de me soutenir et de m'aider contre tous; mais si je détache hors de saison, je serais faible partout, et les choses resteraient indécises. Voilà mes raisons pourquoi j'agis de la façon que je fais.

Je vois bien que cela traînera un peu, mais il n'y a absolument pas moyen de faire autrement. Mais dès qu'il y aura eu encore un nouveau dénoûment, alors la campagne sera décidée, et je pourrai détacher à temps encore tout de suite. Si, en attendant, le duc de Cumberland prend un bon camp défensif, les Français se verront arrêtés par là dans leurs desseins et n'oseront absolument rien entreprendre sur ce Prince. Sur ce, je prie Dieu etc.

Federic.

Tout Prague brûle, nos bombes font beaucoup de mal, mais je ne suis pas assez informé pour dire positivement à quoi tout cela mènera.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.



125-3 Vergl. S. 117. 118.