9086. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Au Camp de Prague, 11 juin 1757.

Mon cher Podewils. Pour vous répondre à ce que vous m'avez marqué, par votre rapport du 7 de ce mois, des dernières lettres qui vous sont parvenues du baron Münchhausen, je suis bien aise que vous sachiez que Prague ne tiendra pas si longtemps que les Autrichiens prétendent ou tâchent plutôt de le faire accroire au public. Ce sera tout au plus quatre semaines encore que la garnison pourra subsister des magasins qu'il y a, et peut-être en faudra-t-il rabattre encore ce que nos bombes leur en ont brûlé, ce qui apparemment est assez considérable, vu que, selon tous nos avis, l'on a déjà commencé à diminuer les portions ordinaires qu'on donne au soldat, et que, pour tous les autres vivres, on en manque absolument, en sorte qu'on est réduit à tuer les chevaux de la cavalerie, pour en vendre la chair aux soldats.

Quant à l'armée du comte Leopold Daun, qui n'est forte jusques à présent que de 33,000 hommes à peu près, comme elle a été forcée de se retirer sur Teutsch-Brod, j'espère que nous l'obligerons à abandonner entièrement la Bohême.

Pour ce qui regarde la marche prétendue des Français par le pays de Würtemberg, vous m'en laisserez le soin, et assurément ils n'avanceront guère dans l'Empire. D'ailleurs, je voudrais bien répondre que, quelque fierté et hauteur que la cour de Vienne a affectées au dehors, elle ne voudra pas risquer d'en venir à des procédures formelles dont elle menace l'Hanovre et ses alliés. Pourvu que l'on prenne patience pour quatre semaines, j'espère que les choses auront pris alors une tournure bien plus favorable pour nous, et si le Ciel bénit nos armes, il pourra bien arriver que la présente année n'aura pas fini que la Reine-<161>Impératrice prendra son recours au roi d'Angleterre et lui donnera de bonnes paroles, pour moyenner le rétablissement de la paix.

Vous manderez à M. de Münchhausen qu'il y a 30,000 combattants dans Prague, outre 10,000 de malades et de blessés, que je croyais qu'il vaudrait bien la peine de ne pas laisser entièrement échapper ces gens-là, et que, si j'en venais à bout, toutes les autres expéditions à faire encore nous seraient aisées et faciles par le commencement de nos opérations. Lui, M. de Münchhausen, se sera aperçu que nous n'aimons pas à traîner. S'il veut bien se tranquilliser pour les moments présents, il pourra en attendant être assuré que, si nous perdons à présent du temps à propos, nous le regagnerons ensuite par l'activité que nous emploierons. Ce qu'il y aurait à désirer, c'est que les esprits en Angleterre voulussent se réunir à fixer une bonne administration,161-1 pour profiter du dégarnissement de troupes des côtes de la France sur l'Océan, afin de lui porter par là le coup de grâce. Vous remercierez, au surplus, ce ministre des avertissements donnés au sieur Burish.161-2

Au reste, je me flatte de pouvoir vous mander bientôt que nous avons réduit Leopold Daun à quitter entièrement la Bohême, et de lui avoir enlevé encore deux magasins assez considérables, et ce sera alors que je détacherai contre les Français ou la Russie, où il le faudra.

Je joins ici une lettre au roi d'Angleterre161-3 que vous adresserez au sieur de Münchhausen, en le priant de la lui vouloir faire passer par le premier courrier qu'il y dépêchera. Sur ce, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.



161-1 Vergl. S. 123. 142.

161-2 Burish, welcher als englischer Gesandter in Regensburg, in München und bei den vorderen Reichskreisen beglaubigt war, hatte den Auftrag erhalten, die Gelegenheit der Neutralitätserklärung des Churfürsten von Baiern (vergl. S. 77. 92) zu benutzen, um die Höfe von München und Mannheim der österreichischen Partei abwendig zu machen.

161-3 Nr. 9085.