9152. RELATION.

[Lissa, 22 juin 1757.]204-3

Après la bataille de Prague, l'armée autrichienne se trouvait divisée; la plus grande partie de ces troupes, les princes et les généraux<205> s'étaient jetés dans cette ville, une partie des fuyards s'étaient retirés au delà de la Sazawa à Beneschau. L'armée prussienne fit l'investiture de la ville et prit des postes pour bloquer cette armée. Un détachement sous les ordres du colonel Puttkammer fut envoyé pour poursuivre les fuyards, et, sur les nouvelles que l'on, eut que le maréchal Daun s'approchait avec un corps de Bœhmisch-Brod, le général Zieten y fut envoyé premièrement, et ensuite le prince de Bevern, pouf l'éloigner et donner à ceux qui bloquaient Prague, le temps de prendre leurs établissements.

L'on s'empara du Ziskaberg,205-1 qui coûta peu de monde. L'armée du Roi occupa les hauteurs depuis Podbaba, Lieben, le Ziska, Michle jusqu'à Branik, où le pont de communication fut établi. Prague est une mauvaise place, dominée par des hauteurs de tous les côtés, et dont on se peut rendre maître sans grande perte de monde ni de temps, lorsque la garnison est faible. Alors il y avait 40,000 hommes, selon l'évaluation arbitraire que l'on en faisait. Il était impossible d'ouvrir la tranchée devant une armée; donner un assaut, c'aurait été se jouer de la vie des hommes et hasarder plus que la prudence ne le permet à la guerre; il ne restait donc de moyen de s'emparer de la place que par la famine.

Comme la ville était pourvue, et que l'on était instruit des endroits où les ennemis avaient leurs boulangeries et leurs dépôts principaux, on résolut de les brûler au moyen du bombardement. Les batteries furent aussitôt faites et l'artillerie placée. Du côté du Roi, une batterie fut placée au Ziska, l'autre vers la Porte Neuve et la troisième vers le Wischerad. Du côté du maréchal Keith, on construisit une batterie vers le Strahow. L'ennemi voulut déranger cet ouvrage et fit dessus une sortie vigoureuse, mais il fut repoussé avec perte de 1200 hommes, et le prince Ferdinand de Prusse le poursuivit jusqu'à 300 pas du chemin couvert, après quoi il se retira.205-2 Quelques jours après, l'ennemi voulut faire une sortie du côté du Wischerad,205-3 et en se formant, il prêta le flanc à deux redoutes que nous avions du côté de la Moldau, dont le canon l'obligea de se retirer avec confusion, sans rien entreprendre. Quelque temps après, l'ennemi fit une sortie du petit-côté et s'empara d'une flèche,205-4 où nous avions 30 hommes qui se retirèrent, et il leur enleva 3 pièces de canon.

Nous n'eûmes pas seulement à combattre contre les ennemis, mais même contre les éléments. Il survint un gros orage accompagné de grêle, des nuages crevèrent dans les montagnes qui firent à moins de 2 heures enfler les eaux de la Moldau, qui crurent de 8 pieds. Le pont de Branik fut emporté dans le moment, sans qu'on y put porter remède, le courant l'entraîna tout droit à Prague. L'ennemi y prit 24 de<206> nos pontons, les 20 autres furent entraînés par le courant de la rivière à Podol, où nous avions notre autre pont, et où on les repêcha.

Malgré ces petits obstacles, le bombardement allait son train. Le feu avait consumé des boulangeries de l'ennemi, et, autant qu'on pouvait l'apprendre par la déposition des déserteurs et des espions, les vivres devenaient de jour en jour plus difficiles et plus rares dans la ville.

Pendant que l'on prenait toutes ces mesures pour réduire les troupes de Prague, le prince de Bevern avait poussé devant lui le corps du maréchal Daun; il lui avait pris un petit magasin à Nimburg, un dépôt à Kolin et beaucoup d'avoine à Suchdol. M. de Daun s'était retiré à Czaslau; le prince de Bevern attaqua Nadasdy sur les hauteurs de Kuttenberg, l'en délogea et se campa entre Kuttenberg et Neuhof, terre appartenante au comte Batthyany.

Les retraites de M. de Daun l'approchaient de ses secours. Il avait attiré à lui les fuyards de l'armée du prince Charles, qui de Beneschau avaient côtoyé la Sazawa pour se joindre à lui; toutes les troupes répandues en Moravie, la garnison de Vienne, un corps de Hongrois et enfin tout ce que le temps lui avait permis d'assembler, s'était venu joindre à ses troupes. Lorsque ce maréchal s'était retiré de Bœhmisch-Brod, il n'avait que 14,000 hommes; alors son armée s'était augmentée jusqu'entre 50 et 60,000 combattants. Le prince de Bevern n'avait que 18 bataillons et 70 escadrons sous ses ordres. On sentait la nécessité de le renforcer, ce qui était difficile, vu la grandeur de la ville et la circonférence de nos lignes, sans compter que cette ville contenait une armée, que la nécessité pressait les ennemis de s'ouvrir un passage, qu'il fallait de tous côtés leur opposer des forces suffisantes pour les repousser. On trouva, cependant, le moyen de resserrer les postes et de détacher 10 bataillons et 20 escadrons, que le Roi et le prince Maurice d'Anhalt menèrent par Rosteletz vers Zasmuk. Ce détachement se mit en marche le 13.

Le même jour, les postes avancés du prince de Bevern furent attaqués par le général Nadasdy. 11 fut repoussé, mais, en même temps, l'armée ennemie fit un mouvement sur le flanc du prince de Bevern qui l'obligea de décamper et de prendre le camp de Kolin. Le 14, il marcha vers Kaurzim, où l'armée se joignit.

Le 15 et le 16, l'on fit reconnaître tous les chemins qui allaient vers Wisoka, où l'armée autrichienne campait; en quoi l'on ne put pas réussir entièrement, à cause de la quantité de troupes légères qui étaient sur notre chemin.

Le 16, 4,000 hussards et pandours attaquèrent un convoi qui venait de Nimburg, escorté de 200 hommes sous les ordres du major Billerbeck du régiment de Henri. Le major se défendit trois heures contre ce nombre supérieur, jusqu'à l'arrivée du secours qui le dégagea. Il n'y perdit que 7 hommes, mais tout le convoi fut sauvé.

<207>

Le 17, comme l'armée était sur le point de marcher à Swoischitz, on y vit paraître l'armée autrichienne, qui occupait ces hauteurs et s'était postée en angle, la droite vers le côté de Kuttenberg et de Kolin, la gauche vers Zasmuk, une chaîne d'étangs devant elle. Nous fîmes un mouvement avec l'armée, en prenant Kaurzim à notre droite et en étendant notre gauche du côté de Nimburg, Planian devant la gauche de notre infanterie.

Le 18, nous occupâmes la hauteur de Planian, et l'armée défila par la gauche vis-à-vis de celle des ennemis. On fit la disposition pour l'attaquer, en opposant nos troupes légères aux Hongrois qui voulaient se mettre sur notre flanc, que l'on poussa sur le chemin de Kolin, jusqu'au delà d'une hauteur de laquelle il fallait être maître, pour attaquer le flanc droit de l'ennemi. Le général de Hülsen fut commandé avec 7 bataillons, pour s'en emparer. La ligne d'infanterie devait se former en refusant la droite, pour soutenir cette attaque, à laquelle on était résolu de borner l'action. Nos grenadiers gagnèrent la hauteur, ils prirent un village que l'ennemi abandonna, ils se rendirent, de plus, les maîtres de deux batteries, chacune de 12 ou 13 canons. Alors notre infanterie, par une ardeur déplacée, attaqua tout d'un coup, et sans qu'on pût l'arrêter, le front du poste des ennemis. Son engagement nous empêcha de soutenir l'attaque de la hauteur. Si l'on y avait pu porter 4 bataillons, la bataille était gagnée. L'ennemi profita habilement de cette faute, il fit filer de l'infanterie derrière son front, qui attaqua nos 7 bataillons, fondus par trois charges consécutives et par le feu de 40 canons auxquels elle avait été exposée. Notre infanterie les repoussa encore, le régiment de dragons de Normann donna dans cette infanterie, la dissipa, lui enleva 5 drapeaux, se tourna ensuite sur les carabiniers saxons, qu'il poursuivit jusqu'aux environs de Kolin.

Pendant ces entrefaites, notre infanterie avançait toujours sur le poste des Autrichiens; le grand feu de canon leur ayant fait perdre du monde, les bataillons fondus avaient de trop grands intervalles pour y suppléer. Les cuirassiers de Prusse se mirent derrière l'intervalle du régiment de Bevern et de Henri; ils chargèrent sur un régiment autrichien d'infanterie qui était vis-à-vis d'eux, et ils y seraient entrés, si, en même temps, une batterie chargée de mitrailles n'avait été exécutée contre eux. Ce feu les fit tourner, ils se renversèrent sur le régiment de Bevern, une troupe de cavalerie autrichienne les poursuivit. Le régiment de Bevern et de Henri furent si fort ruinés qu'il fallut les retirer.

Cette ouverture nous coupa la communication avec l'attaque des hauteurs et nous obligea de nous retirer. Le bataillon des gardes qui avait la droite, repoussa 4 bataillons d'infanterie qui l'attaquèrent, et 2 régiments de cavalerie qui voulurent l'entourer, et fit des prodiges de valeur.

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Notre infanterie et cavalerie de la gauche resta sur le terrain que les Autrichiens avaient occupé au commencement de la bataille jusqu'à 9 heures du soir, après quoi ils se retirèrent. L'armée marcha à Nimburg, sans voir d'Autrichiens, et sans que personne eût le cœur de la poursuivre.

Nous avons perdu [à peu près 7 à 8,000 hommes]208-1 et du canon dans cette affaire, à cause que beaucoup de chevaux ont été tués, beaucoup d'affûts brisés, et que les soldats étaient si fatigués de la chaleur, des montagnes qu'il leur fallait grimper, et de la longueur de l'action qu'on ne pouvait faire traîner ce canon à force de bras.

Cet échec nous a obligés de lever le blocus de Prague. L'armée qui avait investi le grand-côté, est marchée à Brandeis et s'est jointe à Lissa208-2 avec celle qui s'y était retirée; l'armée sous les ordres du maréchal Keith a pris la route de Budin.

Nach der eigenhändigen Aufzeichnung des Königs.208-3



204-3 Das Datum nach einem Zusatz von Eichel. Jedenfalls hat Eichel die Relation vordatirt. Noch am 28. Juni schreibt er an Podewils, der König habe es abgelehnt, dass der Schlachtbericht von einem Officier aufgesetzt werde, „Se. Majestät haben Sich vorbehalten, solches Selbst thun zu wollen“ ; es könne sich aber „damit noch einige Tage trainiren.“

205-1 9. Mai. Vergl. S. 23.

205-2 In der Nacht zum 24. Mai.. Vergl. S. 74—76.

205-3 1. Juni. Vergl. S. 108. 111. 118.

205-4 In der Nacht zum 3. Jnni. Vergl. S. 119.

208-1 Zusatz von Eichel.

208-2 Eichel bemerkt über à Lissa: „ici“ d. h. in Brandeis.

208-3 Die an das Ministerium gesandte Abschrift aus der Cabinetskanzlei enthielt (abgesehen von den Eichel'schen Zusätzen auf der eigenhändigen königl. Niederschrift vergl. S. 204.“ Anm. 3; S. 208. Anm. 1 und 2) mehrfache stilistische Aenderungen, welche möglicher Weise auf nachträglichen Befehl des Königs erfolgt sind. Sie sind in die gleichzeitigen Drucke der Relation Ubergegangen.