9175. AU DUC DE CUMBERLAND AU CAMP DE DANRERSEN.

Leitmeritz, 8 juillet 1757.

Monsieur mon Cousin. Votre Altesse Royale juge très bien de la situation présente où nous nous trouvons, elle n'est pas aussi avantageuse qu'elle l'était au commencement du mois passé, mais il n'y a rien de désespéré. J'ai attaqué avec 30,000 hommes une armée plus forte que je ne l'avais jugée, et j'ai été repoussé avec perte de 10,000 hommes par 60,000 avantageusement rangés dans un triple poste. Voilà le fond de l'affaire. Mes troupes, étant obligées de passer l'Elbe, ne me permettaient plus de pouvoir continuer le blocus de Prague, après la levée duquel toutes les troupes légères de l'ennemi ont voulu tomber sur nos magasins pour nous expulser, faute de vivres, de la Bohême; mais nous avons heureusement fait avorter ce dernier projet, et nous pourrons encore tenir 4 à 6 semaines, après quoi il faudra prendre des mesures pour résister aux troupes de l'Empire et au détachement français d'un côté, et de l'autre à l'armée autrichienne.

Il serait à souhaiter que l'on pensât en Angleterre à renforcer l'armée de Votre Altesse Royale par des troupes anglaises.223-2 Si jamais les libertés de l'Europe, la religion et la balance des pouvoirs ont couru risque, c'est à présent, et je m'étonne qu'une nation qui a tant dépensé d'argent et tant versé de sang pour le soutien de ce système, voie à présent avec des yeux indifférents les grands hasards que court l'Europe d'être subjuguée par la force prépondérante de ce monstre<224> politique de ce triumvirat, formé de trois puissances dont les principes et les intérêts ont paru incompatibles jusqu'ici. En vérité on regrettera, mais trop tard, l'indifférence avec laquelle on regarde en Angleterre la guerre de terre ferme, et il me semble que, si le Roi votre père et les États prussiens sont opprimés dans ce continent, la France pourra sans empêchement imposer les conditions les plus dures à l'Angleterre. Enfin, je crois qu'il est temps de faire les plus grands efforts pour s'opposer à l'ambition débordée du triumvirat, et qu'il n'y a point de temps à perdre pour prendre de justes mesures pour notre conservation. Je me ferai un devoir d'en donner l'exemple, et Votre Altesse Royale peut être persuadée que je ferai les derniers efforts pour résister et, s'il se peut, pour regagner le dessus sur nos ennemis. Je suis avec la plus parfaite estime, Monsieur mon Frère et Cousin, de Votre Altesse Royale le bon frère et cousin

Federic.

Nach dem Concept.



223-2 Vergl. Bd. XIV, 386. 397. 429.