9220. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

Hlinay, 22 juillet [1757].

Ma très chère Sœur. J'ai eu l'agrément de recevoir aujourd'hui deux de vos lettres, dont l'une est du 16. La mauvaise conduite qu'a tenue mon frère de Prusse, m'oblige à quitter Leitmeritz; j'espère de redresser ses sottises, si humainement cela est possible. Vous jugez très bien, ma chère sœur, de notre situation présente et de ce qui en peut résulter pour l'avenir. Comme je n'ai aucun pouvoir sur les causes secondes, je ne prétends point régler mes destinées; je me borne à me conduire sagement, à profiter des occasions, si elles se présentent à moi, et je suis résolu d'opposer un front d'airain à tous les contretemps qui peuvent m'arriver. Quand une fois un cheval a pris le mors aux dents, il ne voit, il ne connaît plus de dangers.

Je suis très fâché, ma chère sœur, des contre-coups que vous ressentez de mon infortune;261-3 j'ose prédire que cela n'en restera pas à vous, mais que la catastrophe deviendra générale, si la Fortune ne se ravise pas bientôt. Je me moque, dans le fond, et des troupes de l'Empire et des Français et des Suédois et des Autrichiens, s'ils voulaient se succéder les uns les autres; mais si j'avais autant de bras que Briarée, je ne pourrais suffire pour expédier l'Hydre renaissante qui se présente à moi, qui se multiplie tous les jours, et qui m'assiège de tous côtés.

Je suis dans le cas d'un voyageur, attaqué par une grande troupe de brigands, qui l'assassinent et qui se partagent sa dépouille. Quand je serai assassiné, il m'importera peu que deux Impératrices, un Roi Très-Chrétien et je ne sais combien de grandes princes, tous très justes et très religieux, m'aient fait cet honneur. Je parie à coup sûr que la France se repentira tôt ou tard de la sottise et de l'inconséquence de sa conduite présente; mais tout cela ne console guère. Il arrive quelquefois à Madame la Justice d'être séduite et de se laisser tromper par<262> des indices; on a des exemples qu'elle a fait pendre des hommes avec précipitation, dont elle a ensuite reconnu l'innocence et en a fait faire des excuses très polies à la veuve et aux enfants; mais elle n'a pas rendu la vie au mort, et celui-là n'a pas seulement eu la consolation d'être informé de ses regrets. On ne me pendra pas précisément, mais, le traitement qu'on me prépare, ne vaut en vérité guère mieux : enfin, ma chère sœur, pendu ou non, je serai jusqu'au dernier soupir de ma vie avec la plus tendre estime, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Quant aux nouvelles que vous attendez,262-1 ma chère sœur, il est impossible qu'elles arrivent à point nommé; pour répondre à pareilles choses, on y pense deux fois, surtout si l'on veut donner une réponse catégorique. II faut attendre, et si, malgré quelque apparence, cela ne réussit pas, il faut s'en consoler et agir ni plus ni moins.

Pour l'amour de vous-même, ne vous chagrinez pas, et souvenezvous que le Ciel nous a donné la vie sans conditions, ainsi qu'il faut recevoir la fortune bonne ou mauvaise, et que la vie n'est pas assez longue pour se chagriner d'un événement passager dont la mort nous fait perdre le souvenir pour toujours.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



261-3 Die Mittheilungen der Markgräfin, auf welche obige Worte des Königs sich beziehen, waren vermuthlich in dem jetzt nicht mehr vorhandenen Schreiben vom 16. Juli enthalten.

262-1 Auch für das Postscriptum des königl. Briefes liegen die bezüglichen Mittheilungen der Markgräfin nicht mehr vor. Die Bemerkungen des Königs beziehen sich wahrscheinlich auf die durch die Markgräfin eingeleiteten Unterhandlungen in Frankreich. Vergl. S. 218. 251.