9350. AU MINISTRE D'ÉTAT ET DE CABINET COMTE DE FINCRENSTEIN A BERLIN.

[Quartier Kerspleben, 21 septembre 1757.]362-1

Soli et secretissime. Pour plus de sûreté de cette importante dépêche tout ce qui suit a été chiffré du nouveau chiffre du sieur Michell.

Je vous ai déjà instruit, par ma dernière lettre que je vous ai faite,362-2 que je n'avais point oublié de penser à un accommodement à faire avec la France. Pour que vous entendiez mieux ce passage, je m'en vais vous dire, quoique dans la dernière confidence, que c'était déjà à la mi-juin que je fus averti des propos, quoique vagues, que le sieur Folard avait tenus à ma sœur de Baireuth,362-3 par lesquels on entrevoyait que la France avait des appréhensions que je ne ferais ma paix avec l'Impératrice-Reine et me liguasse avec elle pour tomber conjointement avec l'Empire sur la France, et qu'en échange de la Silésie je fis restituer à la cour de Vienne l'Alsace et la Franche-Comté. L'on m'assura qu'effectivement le comte Colloredo avait déjà l'idée de ce projet, et que l'Impératrice-Reine y aurait donné, si elle n'avait été retenue par le comte Kaunitz, que les Autrichiens même reconnaissent pour pensionnaire de la France; sur quoi, je priai ma sœur362-4 de vouloir bien prendre l'occasion de sonder l'autre sur les intentions de la France par rapport à un accommodement à faire entre nous, quoiqu'à l'inclusion de mes alliés; mais, Folard ayant eu ordre entre ces entrefaites d'aller incessamment à la cour de Munich,362-5 l'affaire tomba et la bataille de Kolin arriva. Ma sœur prit cependant l'occasion de parler [en] confiance [et] d'exhorter [un] autre Français de condition,362-6 confident de Folard et parent de Rouillé,362-7 qui se prêta de bonne grâce de passer luimême à la Cour de France pour y lier, sous le nom de ma sœur, quelques négociations; mais, Rouillé ayant été démis du département des affaires étrangères, l'affaire n'a pas eu jusqu'à présent les suites auxquelles on s'était attendu.

Pendant ces entrefaites, il arriva que le comte de Neuwied me communiqua, par une lettre du 4 de juillet, une ouverture que le fameux colonel Fischer lui avait faite de bouche et par écrit,362-8 en conséquence de laquelle on lui y fit entendre, de la part du duc de Belle-Isle, que, pourvu que je voudrais faire des propositions à la France, un officier français de condition se trouverait même dans la maison du comte de Neuwied, au cas que je donnerais à connaître indirectement qu'il me plairait d'envoyer en secret une personne de rang pour entrer en pourparler et pour signer, en cas de convenance, des préliminaires en vertu des pleins pouvoirs qu'ils auraient en poche. Je lui répondis d'abord, par un courrier travesti, que je lui dépêchai le 18 de juillet,362-9 étant per<363>suadé que le duc de Belle-Isle n'avancerait rien qu'il ne pourrait soutenir, [que] le comte de Neuwied pourrait insinuer à ceux qu'il croirait propres pour faire parvenir ceci plus loin, que, préférant mon honneur à tout, je n'entendrais jamais à des conditions de paix flétrissantes, qu'il faudrait que tous mes alliés d'Allemagne y fussent compris, et qu'on s'expliquât ultérieurement; que, s'il pouvait tirer des Français une explication claire sur ces deux points importants, je pourrais envoyer quelqu'un.

Sur quoi, le comte de Neuwied me répondit le 4 d'août que, n'ayant pas dépendu de lui de passer lui-même à Versailles, pour des ménagements, il avait d'abord expédié un ami sûr et capable pour puiser à la source des notions décisives qu'il me communiquerait; à quelle fin il arrêterait mon courrier, pour faire passer par son moyen la réponse qu'il aurait. Ce qui me porta que je dépêchai le lieutenant-colonel de Balbi363-1 avec les instructions et les pleins pouvoirs nécessaires, avec ordre de passer à l'incognito auprès du comte de Neuwied, de s'ouvrir envers lui sur sa commission et, au cas que la France enverrait là secrètement quelqu'un muni de plein pouvoir, de traiter avec lui et de signer en cas de convenance les articles préliminaires de paix, lesquels, en conséquence de mes intentions, ne consisteraient qu'en quatre articles, savoir : rien sonner de céder de mes provinces, un armistice pour avoir le temps de s'accorder avec mes alliés, inclusion de mes alliés d'Allemagne, et renouveler l'alliance précédente avec la France.363-2

Cependant, il est arrivé que, pendant le temps que Balbi fut en chemin, le comte de Neuwied me renvoya mon courrier, apparemment avec sa réponse touchant les éclaircissements qu'il avait eus de la cour de France. Le courrier tomba, passant en Saxe, par un effet d'hasard, entre les mains des hussards, qui l'ont enlevé avec la lettre qu'il portait,363-3 dont j'ignore le contenu, aussi bien que si le sieur de Balbi, qui partit le 15 d'août de Dresde, est arrivé à sa destination, n'ayant point de nouvelles de lui depuis ce temps-là.

Après l'affaire malheureuse du maréchal de Lehwaldt363-4 et la nouvelle que j'eus de la trame des ministres d'Hanovre,363-5 j'ai pris la résolution d'écrire au duc de Richelieu.363-6 Je lui ai demandé des passe-ports. Je les ai reçus et lui ai dépêché le sieur d'Eickstedt,363-7 simplement pour lui porter ma lettre et pour apprendre sa réponse. Au surplus, ma lettre au duc de Richelieu ne comprend autre chose, sinon que je m'adressais à lui par un effet de l'estime qu'il inspirait à ceux qui ne le connaissaient pas même particulièrement; qu'il s'agissait de la paix, si on la voulait bien; que j'ignorais quelles étaient ses instructions, mais, dans la supposition que le Roi son maître, assuré de la rapidité de ses progrès, l'aura mis en état de travailler à la pacification de l'Allemagne, je lui<364> adressais le sieur d'Eickstedt, dans lequel il pourrait prendre une confiance entière; que je préférais de confier mes intérêts au Roi son maître plutôt qu'à tout autre, et que, s'il n'avait aucune instruction relative à la proposition que je lui faisais, je le priais d'en demander et de m'en informer.

Federic.

Nach der Ausfertigung.



362-1 Das Datum nach dem Eichel'schen Begleitschreiben.

362-2 Vergl. Nr. 9338.

362-3 Vergl. S. 41. 102. 123.

362-4 Vergl. S. 102.

362-5 Vergl. S. 124.

362-6 Mirabeau. Vergl. S. 187. 195. 218.

362-7 Vielmehr von Bernis, vergl. S.218.

362-8 Vergl. S. 255.

362-9 Vergl. Nr. 9212. S. 256.

363-1 Vergl. S.300. 301.

363-2 Vergl. Nr. 9280.

363-3 Vergl. Nr. 9316. S. 327.

363-4 Vergl. S. 331. 332.

363-5 Vergl. S. 314. 316.

363-6 Vergl. Nr. 9326.

363-7 Vergl. S. 333—335. 355.