9356. AU CONSEILLER DE LA CHAMBRE DE JUSTICE D'EICKSTEDT.369-1

Eickstedt berichtet, Braunschweig 20. September: „Sire. Je n'ai pu parler que ce matin au Maréchal,369-2 parcequ'il a reconnu hier les environs entre Wolfenbüttel et ici, où on va asseoir un camp pour 45 bataillons et une cavalerie à proportion. Il m'a répondu qu'il n'avait point d'ordre de sa cour pour un sujet si important, mais qu'il allait expédier dans le moment un courrier, pour envoyer la lettre de Votre Majesté,369-3 accompagnée de réflexions de sa part. Ce soir, à 9 heures, il m'a appointé pour prendre sa réponse à Votre Majesté, et pour parler plus amplement avec moi. Je marque, en attendant, ceci à Votre Majesté, et Elle verra plus amplement, par le mémoire ci-joint, ce qui s'est passé entre le Maréchal et moi de conséquence.“

„M é m o i r e.

J'ai l'honneur de marquer à Votre Majesté, selon Ses ordres, très fidèlement et exactement tout ce qui s'est dit, pour qu'Elle puisse juger des apparences. En arrivant hier à la pointe du jour, j'appris que le Maréchal serait ici. Il arriva à 5 heures du soir, mais je ne pus pas le voir.

Après avoir lu la lettre de Votre Majesté, il me dit qu'il n'avait point d'ordre ni instruction, mais qu'il croyait avoir entendu que Votre Majesté avait écrit au roi de France ou lui fait parler. Je lui dis que non, que je ne le croyais pas, puisque Votre Majesté m'en aurait dit quelque chose, pour ma direction.

Cela le détermina à me dire qu'il en écrirait par courrier à sa cour. Il ajouta que la chose était difficile, et qu'il ne savait pas comment sa cour se tirerait d'une affaire si embarrassante. Je lui ai répondu que ce serait la première fois que sa cour serait embarrassée pour se tirer d'affaire.

Il me dit : « Supposons que l'Impératrice-Reine ait promis les Pays-Bas, si elle lui fait avoir la Silésie; que feriez-vous? quelle proposition à faire? le roi de Prusse emploie ordinairement des gens au fait. » R. que ce n'était pas de mon ressort de faire des plans, que je ne savais à quel point les Pays-Bas pouvaient intéresser la France et balancer les anciens traités avec Votre Majesté, de même que les sentiments d'amitié et de reconnaissance que je devais naturellement lui supposer pour Votre Majesté; qu'en outre je savais bien que ce traité ne parlait que de 24,000 hommes.369-4

« Oui », me dit-il, « du commencement; mais l'Impératrice-Reine, voyant le sérieux, nous dit: cela ne suffit pas; cédez-moi Parme et Plaisance, et je vous donne les Pays-Bas, ou à l'Infant,369-5 c'est la même chose, si vous agissez avec force pour me procurer la Silésie.  »

Il me priait de rester, faisant semblant de répondre à Votre Majesté; puis, embarrassé, se leva et me dit qu'il est embarrassant de peser tous les mots. Lui ayant répondu sur-le-champ : « Je ne les pèserai pas non plus », il me demanda pourquoi Votre Majesté, si supérieure en génie, n'avait point fait des propositions. Je répondis en général que Votre Majesté apparemment avait cru tout faire, Se prêtant à les attendre. Il continua que c'était bien le sérieux de Votre Majesté de faire la paix. Répondant que Votre Majesté avait déclaré assez clairement, dès le commencement de la guerre, qu'Elle ne la faisait que pour avoir la paix, tout ce qui avait précédé, enfin toutes Ses démarches, étaient des interprètes de Ses intentions, il continua : »Mais si le Roi fait des propositions, la France demandera de grands sacrifices. Je lui répondis qu'il ne s'agissait pas de prescrire à quelqu'un qui est aux abois; que naturellement les propositions de paix devaient être persuasives, puisque, si on perdait<370> par la paix autant que par la guerre, je ne voyais rien qui puisse déterminer à la faire.

Il me dit : « Écoutez; le Roi désire la paix, son ministère également et tous ceux qui l'environnent de même; il nous faut quinze jours pour la réponse, on voudra aussi le communiquer au comte Starhemberg; le roi de Prusse ne me demande pas le secret, qu'en dites-vous? » Je lui dis: « Le Roi m'a ordonné le plus grand secret et l'incognito; ce que vous me dites, tendrait à une paix generale. »

Il m'a répondu : « Mais voilà deux grandes difficultés, de contenter l'Impératrice-Reine et de dédommager la Saxe. Le Roi a vu le faux pas que son ministère lui a fait faire, quand il était piqué contre le roi de Prusse, qui [a trop travaillé]370-1 à la paix, en place de s'entendre en fait de guerre avec le Roi; » puis il assurait que l'abbé de Bernis est de ses amis, et qu'il ferait du mieux pour répondre à la confiance de Votre Majesté. En même temps, il m'a appointé à 9 heures du soir, quand tout serait retiré; que, pour mieux cacher l'affaire, je pourrais me tenir en lieu tiers et retourner avec un passe-port qu'il me donnerait du 4 d'octobre, puisque les lettres pourraient faire soupçonner, et si l'Impératrice-Reine l'apprenait.370-2

Je ferai cette nuit le très humble rapport à Votre Majesté de l'entretien du soir. Je partirai demain matin pour Goslar.370-3 En sortant de la maison du Maréchal, j'y ai vu entrer le général Donop de Cassel;370-4 il n'a pas pris garde à moi, étant enfoncé dans mon manteau. Je marquerai au directeur Dieterich370-5 l'auberge où je serai à Goslar, pour m'y faire tenir les ordres de Votre Majesté, si Elle veut avoir la grâce de me les faire tenir par lui.“

Eickstedt berichtet, Braunschweig 20. September Abends: „Sire. Votre Majesté a sans doute reçu mon très humble rapport de ce matin. Je reviens dans ce moment du Maréchal. Il m'a remis la lettre ci-jointe, me priant d'assurer Votre Majesté de ses plus profonds respects. Quant aux affaires, il ne m'a dit autre chose, sinon qu'il ne pouvait se défaire de l'idée que le roi de France ne soit déjà informé, puisque l'abbé Bernis lui avait écrit: »Je vous félicite de ce que vous ferez la paix.“ Il ajouta que Votre Majesté connaissait mieux que lui la cour de France, et qu'Elle savait bien que le roi de France désire la paix. Que le courrier ne partirait que demain matin, parceque ses dépêches n'avaient pu s'achever. Qu'entre le 6 et le 10 d'octobre il aurait la réponse. Au reste, il m'a demandé d'engager ma parole de ne pas abuser du passe-port370-6 au préjudice de son armée.

Comme on visite les estafettes, je suis obligé de retenir le rapport de ce matin pour l'ordinaire qui part demain matin, de sorte qu'ils viendront ensemble, sans ma faute.“

Schreiben des Marschalls Herzog von Richelieu, Braunschweig 20. September:

„Sire. Quelque supériorité que Votre Majesté ait en tous genres, il y aurait peut-être beaucoup à gagner pour moi, de négocier plutôt que combattre vis-à-vis d'un héros tel que Votre Majesté, et je crois que je servirais le Roi mon maître d'une façon qu'il préférerait à des victoires même, si je pouvais contribuer au bien d'une paix générale; mais j'assure Votre Majesté que je n'ai ni instructions ni notions sur les moyens d'y pouvoir parvenir.

<371>

Je vais envoyer un courrier sur-le-champ pour rendre compte des ouvertures que Votre Majesté veut bien me faire, et j'aurai l'honneur de Lui rendre la réponse, comme j'en suis convenu avec M. d'Eickstedt.

Je sens, comme je le dois, tout le prix des choses flatteuses qui viennent d'un Prince qui. fait l'admiration de toute l'Europe, et qui, si je l'ose dire, a fait encore plus, s'il est possible, la mienne particulière; je voudrais bien au moins mériter ses bontés, en le servant dans le grand ouvrage auquel il daigne croire que je puis contribuer; je voudrais par-dessus tout lui pouvoir donner des preuves du profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être etc.“

Kerspleben, 24 septembre 1757.

J'ai eu la satisfaction de bien recevoir les lettres que vous m'avez faites du 20 et du [20] de ce mois, et suis content de la façon dont vous vous êtes pris pour vous acquitter de votre commission. Je ne saurais répondre présentement à la lettre du duc de Richelieu, vu qu'il ne s'y agit que de compliments pour répondre à la lettre que je lui avais faite. Il me faut attendre celle qu'il me fera après le retour de son courrier. Mais la première fois que vous lui parlerez, vous lui direz, quoique bien modestement et en termes convenables et doux, qu'il était vrai que j'avais envoyé quelqu'un en France,371-1 pas pour y négocier, mais pour sonder seulement la façon de penser de sa cour, et comment elle s'expliquerait par rapport à l'accommodement à faire. Vous pouvez d'ailleurs bien jeter à propos, dans vos discours avec M. le Maréchal, que nous ne manquerons pas d'occasions pour parvenir à la paix; qu'on nous en a fait des propositions qui nous accommoderaient assez, mais que, par une entière prédilection pour la France, nous aimons mieux, si nous pouvons nous accorder avec elle, et que les affaires se fassent plutôt par elle que par d'autres; que, quant à la paix, soit particulière soit générale, nous attendions les propositions qu'on me ferait, afin d'y pouvoir répondre. Au [surplus,] quand le duc de Richelieu vous parlera de cessions ou de pareilles choses, vous lui répondrez modestement que des propositions de cette nature n'étaient pas les moyens propres pour faire acheminer la paix, et qu'il devait se souvenir de ce qui arriva l'an 1672 à Louis XIV, lorsqu'il fut à Utrecht.371-2

Au reste, je suis bien aise de vous avertir que, quoique la nouvelle de la retraite de l'armée de Russie de Prusse,371-3 qu'elle vient de faire effectivement, pour s'en retourner aux frontières de la Russie, sans que nous savons au juste la raison qui l'y oblige, ne manquera pas d'arriver à vos lieux, ma volonté est cependant que vous ne devez pas sonner le mot au Duc ni vous en expliquer en aucune façon làdessus, avant que vous n'ayez mes instructions ultérieures sur cet évènement. Et, sur ce, je prie Dieu etc.

Friderich.371-4

Nach der Ausfertigung.

<372>

369-1 In der Ausfertigung „ à Goslar“ ; Eickstedt befand sich (vergl. S. 369. Anm. 3) in Clausthal.

369-2 Richelieu. Vergl. S. 333—336.

369-3 Vergl. Nr. 9326.

369-4 Vergl. Bd. XIV, 27.

369-5 Vergl. Bd. XIII, 87. 116. 131. 157; Bd. XIV, 332. 342. 343. 382. Vergl. auch die Artikel II und 17 des Versailler Vertrages vom 1. Mai 1757. Koch-Schöll, Histoire des traités III, 139. 143. 144; Schäfer, Geschichte des siebenjährigen Krieges I, 283. 284.

370-1 Ergänzt nach dem Concept. Richelieu weist darauf hin, dass der König von Preussen im Jahre 1755 die Erhaltung des Friedens an Englands Seite gesucht hat, statt sich mit Frankreich über ein kriegerisches Vorgehen gegen Hannover zu verständigen. Vergl. Bd. XI, 474. 475. 479. Histor. Zeitschrift Bd. 55. S. 432. ff.

370-2 Einige Worte sind vermuthlich falsch dechriffrirt oder es fehlt ein schliessender Satz.

370-3 Am 27. September schreibt Eickstedt aus Clausthal, dass er sich nach dieser Stadt zurückgezogen habe, da er Goslar von Franzosen überfüllt gefunden.

370-4 Vergl. S. 357.

370-5 Vergl. S. 333—335.

370-6 Vergl. S. 334. 355.

371-1 Vergl. S. 363. 377.

371-2 Mit der Einnahme von Utrecht im Juni 1672 endete der schnelle Siegeszug Ludwigs XIV. in Holland.

371-3 Vergl. Nr. 9351.

371-4 Sic.