9389. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

[Buttstädt,] 4 octobre 1757.

Ma très chère Sœur. Pénétré de vos bontés jusques au fond du cœur, souffrez que je vous en témoigne ma reconnaissance, quoique très imparfaitement; je sens trop, ma chère, ma divine sœur, pour exprimer ce qui se passe dans mon âme. Soyez persuadée que vos procédés généreux et tout ce que votre amitié a fait pour moi, y est gravé avec des traits de flammes.

Quoique je désirerais passionnément de vous voir,399-3 je me trouve, ma chère sœur, obligé de combattre ce projet, tout généreux qu'il est. Nous sommes ici dans une situation mobile et changeante, sans lieu fixe et toujours un pied à l'étrier. Je ne saurais envoyer des escortes à Schleiz, qui, quelque fortes qu'elles pourraient être, seraient entamées par les ennemis et vous exposeraient infailliblement. Je vais toujours en m'éloignant de votre voisinage; les troupes hongroises sont dans les environs de Jena, de sorte que je ne vois aucun moyen de seconder vos intentions généreuses. Voici tout ce que j'imagine. Les Français proposent une suspension d'armes:399-4 si celle-là a heu, vous pourriez, sous prétexte de recueillir l'héritage de notre chère mère,399-5 faire un tour à Leipzig; mais, dans cette mauvaise saison, entreprendre, avec votre santé délicate, un voyage de cette nature, grand Dieu! cela me fait trembler.

Daignez, je vous supplie, assurer le Margrave de ma tendre amitié; ce que l'on débite ici, me fait craindre pour son pays. Conjurez-lui, je vous prie, de caler les voiles pendant la tempête399-6 et de ne se point<400> perdre, pour l'amour de moi; je ne vois que des écueils et des naufrages célèbres, il ne faut point en augmenter le nombre, surtout lorsque la fermeté devient inutile contre la force.

Adieu, mon adorable sœur, puisse le Ciel verser sur vous ses plus précieuses faveurs et récompenser une vertu digne des premiers âges! Je suis avec la plus vive et sincère tendresse, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhàridig.



399-3 Vergl. S. 394.

399-4 Vergl. Nr. 9385.

399-5 Vergl. S. an.

399-6 Die Markgräfin hatte (ohne Datum) geschrieben: „Nous devons afficher les avocatoires, payer les mois romains et donner les troupes. J'ai voulu persuader le Margrave aux deux derniers, mais il reste ferme; dans peu, l'exécution sera ici. On aurait trouvé moyen de vous envoyer les troupes. Je vous supplie de mettre dans vos lettres un petit article pour lui, il est bien digne de vos bontés.“