9837. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

Breslau, 11 mars 1758.

Ma très chère Sœur. Votre lettre du 4 m'est très bien parvenue de Leipzig, et je rends grâces au Ciel de vous savoir encore en bonne santé. Pour moi, je vais malgré vent et marée, et je compte de soutenir la campagne future d'un bout à l'autre.

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Assurément que vous savez à présent de quelle façon les Français ont été chassés du Wéser, et quelle prodigieuse confusion règne parmi eux. M. de Bamberg302-1 pourra garder ses places fortes jusques à un autre temps, du moins les Français n'y viendront pas de sitôt.

Ma situation commence à devenir meilleure; ce n'est pas que je n'aie une hydre d'ennemis à combattre, mais certainement les choses sont plus faciles qu'elles ne l'étaient il y a trois mois. Je ne crains pas les Russes, ni tous ces gens-là, je ne crains que les caprices de la fortune, au dessus de laquelle aucun homme ne saurait se mettre.

Ce que vous dites, ma chère sœur, de la philosophie, est tout d'or. Cependant, il faut forcer son esprit à de certaines façons de penser, lorsque cela est nécessaire, et s'imprimer que la vie est trop briève pour prendre tant de souci d'avantages passagers, qu'il faut abandonner au premier ordre de la nature. Il y a un âge où l'on doit avoir honte de jouer avec l'espérance, comme les enfants avec une poupée; il faut se préparer à tout et prendre généreusement son parti. Vous et moi, nous avons vu écouler nos meilleures [années], celles qui nous restent à passer dans le monde, ne seront pas nombreuses, de sorte que nous pouvons être tranquilles, quoi qu'il arrive.

Je suis sur le point de mon départ pour les montagnes; j'ai le siège de Schweidnitz à faire, après quoi il faudra voir si le mois d'avril et mai nous seront favorables.

Adieu, ma divine sœur, daignez vous conserver pour un frère qui met sa consolation et son bonheur dans votre amitié, et qui vous prie de recevoir les assurances de la tendre amitié et de la haute considération avec laquelle je suis, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



302-1 Der Bischof von Bamberg wollte den Franzosen seine festen Plätze einräumen.