10333. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

[Schœnfeld,] 18 [septembre 1758].

Ma très chère Sœur. Non, tous les évènements fâcheux qui me sont arrivés, toutes les vicissitudes de la fortune ne sont rien en comparaison de la douloureuse inquiétude que me cause votre maladie. Au nom de vous-même, si vous m'aimez, si je vous suis cher encore, faites humainement ce qui dépend de vous, pour vous rétablir; pensez que vous êtes mon unique consolation, et de toute la terre la personne que j'aime le plus tendrement. Votre perte me précipiterait au tombeau, et certainement je ne veux ni ne pourrai vous survivre. Oh! ma chère sœur, faites l'impossible pour vous remettre, sacrifiez-moi vos chagrins et vos afflictions, pour que votre esprit tranquille n'altère point la santé du corps ni ne dérange les remèdes dont vous vous servez. Grand Dieu! quels temps que ceux-ci. Je ne fais que des pertes sen<246>sibles, et je tremble pour ce que j'ai de plus précieux. Est-ce là de tous les mondes le meilleur? et que sera-ce du pire? En vérité, ma chère sœur, toutes ces réflexions me donnent bien du dégoût pour la vie, et il me prend envie de cracher au visage à ceux qui me souhaitent une longue carrière. Daignez me faire écrire souvent, pour que j'apprenne des nouvelles auxquelles mon cœur s'intéresse plus qu'à tout au monde. Veuille le Ciel qu'elles soient bonnes; car tant que je vivrai, personne ne vous sera ni plus dévoué ni plus tendrement et sincèrement attaché que, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.