12173. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Au quartier général de Proschwitz, 16 juin 1760.

Je vous suis obligé, mon cher Prince, des nouvelles que vous avez bien voulu me donner par votre lettre du 12 de ce mois de votre situation présente et des dispositions que vous avez faites là-bas.424-1 Les mesures que vous avez prises dans les circonstances où vous vous trouvez,424-2 sont, à ce que je crois, les meilleures du monde et à ne pouvoir faire ni plus ni mieux, aussi ne douté-je pas un moment du bon succès qu'elles auront.

Mes nouvelles ici sont que 13000 hommes de l'armée de l'Empire sous les ordres du prince de Stolberg ont formé un camp près de Zwickau; d'autres, de Dresde, prétendent que Daun voudra [mettre ces] troupes dans son camp de Plauen, pour se renforcer de ce côté-ci.424-3

Je suis passé l'Elbe hier le 15 auprès du village de Zehren; j'ai deux bons ponts pour avoir la communication prompte avec les deux corps que j'ai laissés au delà de l'Elbe, l'un sous les ordres du lieutenant-général de Bülow dans mon camp retranché de Meissen, et l'autre auprès de Katzenhäuser, sous ceux du lieutenant-général Hülsen. Je me trouve dans le cas qu'il faut absolument que je mène les choses à une décision, par raison que, primo, Laudon en Silésie est sur le point de mettre le siège devant Glatz et, en second lieu, que Daun se fortifierait trop de ce côté-ci, si je lui laissais le temps de mettre les troupes des Cercles dans son camp retranché de Plauen et à Dresde, en y joignant encore quelques-unes des siennes pour garder ces deux postes et se mettre par là en état d'agir avec 50 000 combattants contre moi de ce côté-ci. Si je ne le préviens pas en ceci, je serais obligé de laisser un détachement dans mon camp de Meissen et de me battre, nonobstant cela, contre lui avec [une] trop grande inégalité des efforts. C'est pourquoi j'ai résolu de lever mon camp ici le 18 de ce mois, de laisser 18 bataillons et 24 escadrons sous le général Hülsen dans mon camp de Meissen et de marcher le 18 avec 36 bataillons et 78 escadrons, de<425> tourner le corps sous Lacy qui campe entre Radeburg et Moritzburg, de faire ébruiter partout que je marchais tout droit en Silésie, afin que l'ennemi n'ait aucune idée comme si j'avais le dessein de l'attaquer, et d'attaquer le 19 le corps de Lacy dans sa position en dos. Lacy a 17 bataillons, 40 escadrons et 2 pulks de uhlans, et leur situation est telle que Daun pourra les seconder avec 15 ou 16 bataillons.

L'assiette du terrain où je pense l'attaquer, est telle qu'il n'est pas tout-à fait mauvais pour l'attaquer avec espérance de bon succès. Si je réussis en cette occasion, cette affaire changera tout-à-fait la chance du jeu, sinon, mon malheur n'en deviendra pas plus grand par là, et il ne m'arrivera qu'un peu plus tôt un sort qui, sans cela, aurait été inévitable; car il faut absolument de deux choses l'une : ou que je combatte l'ennemi, ou que je lui laisse prendre la Silésie et me voie au bout du compte environné et serré de tous côtés de toutes les forces que l'ennemi a sur pied contre moi, ce que je ne veux pas attendre tranquillement. Nonobstant tout cela, il m'est impossible de vous dire d'avance comment ceci tournera, mais dans des circonstances désespérées il ne me déterminera des résolutions désespérées, et le dessein que j'ai pris, est au moins celui dont je désespère le moins et dont je ne saurais peut-être pas retrouver l'occasion pendant toute la campagne. Je n'ai nul secours à attendre d'aucun côté, ainsi il faut bien que je tâche de m'aider moi-même et que je tente si, au moyen d'un coup hardi, je pourrai remettre les choses en ordre.

Autant que je sois porté d'inclination d'envoyer pour mes propres intérêts quelque corps de mes troupes pour couvrir mes provinces de Halberstadt, Magdeburg et les autres de ce côté-là,425-1 autant je me vois dans l'impossibilité de le faire, à moins que les choses ici ne prennent préalablement une meilleure tournure.

Il y a effectivement déjà un corps de troupes russes de 16000 hommes auprès de Ccerlin et de Cceslin, et la grande armée des Russes de quarante et quelques mille hommes passe présentement la Vistule, pour marcher, à ce qu'on dit, vers Posen. Mon frère Henri est en pleine marche pour voir ce qu'il pourra effectuer contre ces gens-là.

La ville de Leipzig, mes provinces de Magdeburg et de Halberstadt, mon magasin à Wittenberg, tout cela est exposé aux plus grands dangers; ainsi je me vois dans la plus grande nécessité de faire une chose que, sans cela, je n'entreprendrais pas, sans que je ne me visse forcé; mais, dans des circonstances aussi pressantes que celle où je me trouve, il ne me reste que de me servir des moyens que j'ai encore, pour faire des efforts à m'en débarrasser. Si le sort veut que cela ne réussisse pas, il n'y a pas de ma faute.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.

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424-1 Nach dem Bericht des Prinzen hielt sich die französische Armee noch „à l'écart“ , was er benutzen wollte, um alle Verstärkungen an sich zu ziehen, „avant que les coups se frappent“ .

424-2 Der Prinz hatte berichtet: „Comme M. de Broglie ne laisse au comte de Saint-Germain que 30 bataillons et 38 escadrons sur le Bas-Rhin, pour agir contre le général de Spœrcken, j'ai cru pouvoir aussi attirer à moi un renfort de 8 bataillons et de 4 escadrons . . Si M. de Broglie ne fait point de mouvement plus décisif, je ne partirai point d'ici avant le 24.“

424-3 Auf dem Berichte des Generallieutenants von Hülsen, d. d. Katzenhäuser 15. Juni, finden sich die Weisungen: „Alle Zeitungen brauchen grosse Confirmation. So viel Ich glauben kann, ist entweder die östreichsche [oder] die Reichsarmee bei Dresden, gleichviel, um dass sie desto stärker agiren können oder vielleicht, bis sie Mir eine Inquiétude [gegeben], und bis die Action [geschieht, können sie] auch wieder zurückgehen; Mein Tempo schon absehen .... Er möchte ausbringen, auf Freiberg marschiren, und so er auf Dippoldiswalde, starke Patrollen.“

425-1 Vergl. Nr. 12149.