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On se trompe beaucoup, si l'on croit que les Autrichiens s'étaient déjà mis eux-mêmes dans les filets, et qu'avec un petit effort on aurait obligé la reine de Hongrie à faire des propositions aux alliés. Il aurait fallu soutenir une guerre douteuse, longue' et onéreuse pour bien des armées, avant que de parvenir à la paix sur le pied qu'on se l'était proposé, et l'Empereur sait lui-même que malgré les troupes nombreuses de la France en Bavière, jointes par celles de ce prince, le maréchal de Khevenhüller y avait toujours de la supériorité sur elles et Testait le maître de la capitale et de la plus grande partie de cet électorat, sans qu'on l'en ait pu denicher jusqu'à présent. Les mauvaises manœuvres des Français en Bohême, fondus jusqu'à 12,000 hommes de 30,000 qu'ils devraient être, et l'inaction totale des Saxons, qui prétendaient n'être point en état d'agir avant la fin de ce mois, ne promettaient pas un meilleur succès en Bohême et me chargeaient seul de tout le fardeau de la guerre, où une journée malheureuse m'aurait frustré non seulement de tous mes avantages pour toujours, mais transporté même le théâtre de la guerre dans mes États héréditaires, où une armée de 30,000 Hongrois, était prête à pénétrer d'un autre côté, tandis que la cour de Russie n'attendait que sa paix avec la Suède, qui n'est guère éloignée, pour se jeter sur la Prusse et pour me forcer d'abandonner tout et de courir à ma propre défense, puisqu'aucun de mes alliés ne se trouve ni en état ni à portée de m'assister de ce côté-là.

Je laisse à juger à. tout le monde impartial si, dans une pareille situation, j'ai pu différer plus longtemps de songer à ma propre conservation et de prévenir ma ruine, et si je n'aurais pas eu des reproches éternels à me faire, si, en me sacrifiant pour les autres, j'aurais refusé à moi-même et à ma postérité ce qu'une amour bien ordonnée et la nature même exige de nous, quand il s'agit d'opter entre des convenances étrangères et sa propre conservation.

Tel a été pourtant le triste choix qu'il me restait à faire, depuis le dépérissement soudain et total des affaires de mes alliés, si je ne voulais pas être enveloppé dans leur ruine. Les avantages que j'ai obtenus par' la paix paraissent à la vérité éblouir d'abord, mais quand on considère ce qu'ils me coûtent de sang et de peines, mes finances épuisées, une conquête chargée de dettes immenses, le sacrifice, de mes justes droits sur la succession de Juliers et de Bergue, qui ne. pouvaient jamais me manquer, mais à la renonciation desquels en faveur de la maison de Sulzbach je me tiendrai inviolablement, malgré la paix, ainsi que je l'ai fait déclarer à Mannheim et en France — on trouvera que j'ai acheté assez chèrement les cessions qu'on m'a faites, et il n'y a pas de quoi en être jaloux, ni de dire que je n'aie songé qu'à mes profits et avantages.

Voilà ce que vous devez insinuer à l'Empereur et à ses ministres, en les priant de vouloir s'ouvrir en confidence envers vous de quelle manière il croient pouvoir entamer une négociation avec la cour de