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1124. AU LIEUTENANT-GÉNÉRAL COMTE DE DOHNA A PRAGUE.

Berlin, 28 mai 1743.

J'ai de la peine à me figurer que la cour d'Angleterre, ainsi que vous l'en soupçonnez dans le premier post-scriptum de votre dépêche du 13 de ce mois, osât à l'insu de la cour de Vienne faire son accommodement avec la France et prendre avec elle des mesures nuisibles à mes intérêts, puisque c'est la France qui est présentement le principal objet de la haine et de l'animosité des Anglais. Aussi n'est-ce pas tant pour l'amour et pour les intérêts de la reine de Hongrie que dans la vue d'abaisser la France que la cour d'Angleterre a prodigué ses trésors et fait des dépenses immenses pour mettre sur pied le corps auxiliaire qu'elle entretient en Allemagne, et ce n'est que par le moyen d'une guerre heureuse contre cette couronne que le ministère britannique se flatte de parvenir à un accommodement avantageux avec l'Espagne, de sorte qu'il ne pourrait jamais s'en justifier dans l'esprit de la nation, s'il négligeait l'occasion qu'elle s'imagine avoir maintenant en main pour humilier sa rivale, ou qu'il lui sacrifiât par une paix fourrée les intérêts des puissances que les Anglais regardent avec raison comme ses amis et ses alliés les plus affidés et les plus capables à rompre les desseins de son ennemie naturelle et éternelle.

Il est vrai néanmoins que depuis quelque temps le ministre de France à Londres a eu avec ceux d'Angleterre de longues et fréquentes conférences, dont quelques-unes ont duré plus de trois heures, et que depuis le départ du Roi il les a continuées avec le duc de Newcastle. Il proteste, à la vérité, de n'avoir aucun ordre de sa cour de faire des propositions à celle d'Angleterre. Cependant comme, après tout, il faut que sa négociation ait quelque objet, et que tout le monde connaît l'éloignement de la France pour la guerre, surtout pour celle d'Allemagne, on a raison de supposer que les conférences en question ne roulent que sur un accommodement à faire, soit du consentement de la cour de Vienne ou à son insu, de sorte que vous ne saurez mieux faire que de ne pas perdre cet objet de vue, malgré les apparences contraires, mais d'y veiller avec toute l'attention imaginable et de vous donner tous les mouvements possibles pour découvrir ce qui se pourra négocier à ce sujet entre les ministres de Leurs Majestés Hongroise et Britannique.

P. S.

Il est bon que vous soyez informé que le marquis de Botta ne m'a pas encore fait la moindre proposition spécifique sur l'objet et les conditions des engagements que la cour de Vienne souhaiterait de me faire prendre, ainsi que le baron de Bartenstein vous l'a insinué, et que jusqu'ici il s'est renfermé dans des assurances générales d'amitié.

Pour ce qui est de l'idée que vous me répétez dans la dépêche du 13 courant, que l'on devrait borner l'alliance à une assurance