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1176. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Potsdam, 25 août 1743.

Mon cher Podewils. La révolution de Russie — car j'appelle ainsi un événement qui doit faire changer le système de cette cour — Ja révolution de Russie, dis-je, est une des conjonctures les plus heureuses qui puissent arriver pour la Prusse dans les conjonctures présentes: j'ai ordonné à Eichel de vous envoyer toutes les instructions et les ordres que Mardefeld à reçus à ce sujet, afin que vous soyez pleinement au fait des mesures que je prends pour le Nord. Si selon toutes les apparences les soins de Mardefeld ne sont pas inutiles, je me verrai en état de jouer un beau rôle en Allemagne, et peut-être même pourra-t-on engager l'Impératrice à fournir des auxiliaires pour soutenir les libertés de l'Empire que les voisins veulent opprimer tour à tour; mais quand même cela ne serait point, vous m'avouez que la marche de 36,000 hommes jusqu'à Minden fera furieusement déchanter le roi d'Angleterre, qui, pour ne point voir ses États héréditaires ruinés, se désistera d'une bonne partie de ses projets ambitieux, comme par exemple d'acquérir Hildesheim et Osnabrück, de donner des lois à l'Empire, et d'envahir les États de l'Empereur pour le forcer à une abdication. Il faut que mes troupes s'appellent les troupes de l'Empire, et que, sans commettre des hostilités, je les mette en quartier le long du Weser, et cela au mois d'août de l'année 1744. Ou je suis fort trompé, ou vous verrez que par ce moyen on rendra â l'Empereur ce qui lui appartient, et que peut-être nous y trouverons nos avantages touchant l'Ostfrise, et principalement par la considération que cette démarche me donnera dans l'Empire.

J'ai eu un détail très circonstancié de l'année de la Reine, par lequel il est clair qu'elle ne consiste qu'en 30,000 hommes de troupes réglées et 4,000 Hongrois. Vous sentez qu'avec aussi peu de ressources on n'entreprend pas de nouvelles guerres, et d'autant moins que je ne commets aucunes hostilités. Vous voyez par cet exposé combien il est nécessaire de faire une montre de vigueur — toujours supposé que les affaires en Russie aillent bien — sans quoi, avec infiniment plus de forces, je tomberais ainsi que mon père dans le mépris.

Pour avoir d'autant plus d'adhérents dans l'Empire, il serait bon que le prince Guillaume1 vînt cet hiver à Berlin, ce que vous pouvez faire par Borcke; je souhaiterais aussi de faire connaissance avec l'évêque de Würzbourg, ce qui pourrait se faire à Baireuth ou Anspach. Écrivez-en à Gotter; je serai à Baireuth le 13 de septembre, après quoi Gotter pourra négocier l'entrevue.

Lorsque nos flûtes seront accordées, l'année qui vient, il faudra que l'Empereur et les princes de l'Empire que l'on pourra trouver me sollicitent d'envoyer mon contingent pour former une armée pour la sûreté de l'Empire; ce seront les réquisitoriaux de l'Empereur dont nous



1 Wilhelm von Hessen-Cassel.