733. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION COMTE DE PODEWILS A LA HAYE.

Olmütz, 4 mars 1742.

J'ai reçu votre dépêche du 16 du mois passé, avec la copie de la lettre que la reine de Hongrie a écrite aux États-Généraux en date du 27 de janvier sur la situation de ses affaires, remplie de plaintes etd'invectives contre ses ennemis et de contre-vérités et faussetés contre moi.

Triste et faible ressource pour une cour qui, dans l'état malheureux où elle se trouve, devrait plutôt consulter la prudence pour s'en tirer par un prompt et bon accommodement, que la rage et l'esprit de vengeance contre des puissances aussi formidables que celles qui se sont liguées contre elle, et qu'un pareil procédé ne peut qu'aigrir et animer davantage pour réduire cette Princesse à la dure nécessité d'accepter les conditions qu'on voudra bien lui accorder, et qu'une conduite plus sage et plus modérée de sa part pourrait rendre moins onéreuses. Mais, pour en venir au contenu même de cette lettre, je laisse à la France et à mes alliés, aussi bien qu'à tout le collége électoral, de répondre aux calomnies que l'auteur de cette lettre, en se parant et abusant insolemment du nom de la reine de Hongrie, a vomies contre eux et la validité de l'élection de l'Empereur aussi bien que les justes motifs qui ont porté tous les électeurs, sans exception d'ami ou d'ennemi, à laisser la voix de Bohême dans l'inactivité, ce que les circonstances du temps et le défaut d'habileté d'une princesse à prendre voix et séance dans le collége électoral, ont rendu indispensablement nécessaire.

Mais pour ce qui regarde le passage de cette lettre : Borrusiae quoque rege secunda jam vice contra datam fidem in partem operis veniente, il est également injurieux, faux et obscur. A le prendre au pied de la lettre, on n'y saurait trouver un autre sens raisonnable, sinon que de supposer par les paroles secunda vice que j'ai fait et rompu deux fois un accommodement et une paix particuliers avec la reine de Hongrie, <70>pendant la guerre présente. Cela étant, pourquoi ne produit-on pas un pareil traité de paix ou d'accommodement, pour convaincre l'univers de la vérité de ce qu'on avance avec tant d'effronterie, et pour se laver du reproche bien mérité que depuis quelque temps toute la conduite du ministère de Vienne n'a été qu'un tissu de mensonges et de fausseté, qui, en partie, lui ont attiré tous les malheurs dont la reine de Hongrie se voit accablée maintenant.

Mais je défie la cour de Vienne de pouvoir jamais produire de pareils traités, conventions, ou autres pièces de cette nature, signées de ma main, ou de celle de mes ministres, chargés du département des affaires étrangères ou munis des pleins pouvoirs nécessaires pour cet effet-là.

Ce serait une nouvelle méthode, inconnue jusqu'ici en Europe et dans le monde entier, de faire la paix ou un accommodement, sans en être convenu de part et d'autre, par des instruments revêtus de tout ce qui est indispensablement nécessaire pour en constater et prouver l'existence et l'authenticité. Et, tout cela n'étant point, de quel front prétend-on en imposer à tout l'univers, en avançant une fausseté si manifeste?

Voilà ce que vous pouvez répondre verbalement aux ministres et aux régents de l'État, aussi bien qu'aux ministres étrangers qui se trouvent à la Haye, quand l'occasion se présente ou quand ils devraient vous en parler; puisque, la lettre de la reine de Hongrie étant peut-être, à l'heure qu'il est, entre les mains ae tout le monde à la Haye, les personnes qui ne sont pas au fait des affaires, et qui prennent pour de l'argent comptant tout ce que la cour de Vienne avance si libéralement et avec tant d'effronterie, pourraient être tentées de croire qu'il y a eu une paix particulière entre moi et cette Princesse, et que je l'ai rompue deux fois, selon le sens littéral de la lettre en question.

Le seul but que la cour de Vienne paraît s'être proposé, dans le trait envenimé qu'elle a lancé contre moi, ne saurait être que d'inspirer de la défiance contre moi à mes alliés.

Mais c'est un artifice aussi grossier qu'usé, et pratiqué avec si peu de succès par le ministère de la reine de Hongrie à toutes les cours avec lesquelles elle s'est brouillée, qu'il ne porte plus qu'à faux, et qu'il ne peut que tourner à la honte et à la confusion de cette cour, depuis qu'on voit que les puissances liguées contre elle connaissent trop leurs véritables intérêts et la nécessité d'une bonne union et étroite harmonie entre elles, pour vouloir prendre le change.

En attendant, vous ne manquerez pas de m'informer exactement de l'impression que la susdite lettre pourra faire sur le marquis de Fénelon et les autres ministres qui se trouvent à la Haye, aussi bien que sur le public, qui paraît déjà pencher assez pour se laisser aller à toutes les impulsions que la cour de Vienne voudra lui donner pour rendre la guerre générale et traverser les bonnes intentions de ceux qui <71>souhaitent passionnément de pouvoir vaincre l'opiniâtreté et le caprice de la cour de Vienne, pour lui faire ouvrir les yeux sur ses véritables intérêts et sur la nécessité indispensable de donner promptement les mains au rétablissement de la paix, avant que son état n'empire d'une manière qu'elle pourra perdre facilement ce qui lui reste encore de ses possessions en Allemagne.

C'est à quoi aussi le gouvernement de la République devrait travailler selon sa sagesse ordinaire, pour prévenir un embrasement général.

Federic.

H. de Podewils.

Nach dem Concept.71-1



71-1 Podewils bemerkt bei Vorlegung des Concepts, Olmütz 3. März: „Comme je pourrais peut-être avoir manqué de m'expliquer dans le sens que Votre Majesté souhaite qu'on le fasse, je La supplie de vouloir bien parcourir Elle-même l'incluse.“ Darauf die Resolution, Znaym 4. März : „Sehr gut“ Mit Circularerlass vom 12. Mârz wird der Erlass den Gesandten in Dresden, Frankfurt a. M., Kopenhagen, London, Paris, Petersburg und Stockholm mitgetheilt.