890. AU CARDINAL DE FLEURY A ISSY.

Camp de Kuttenberg, 13 juin 1742

Monsieur mon Cousin. J'ai le chagrin de vous apprendre qu'après que M. de Broglie n'a pas poussé le prince de Lobkowitz comme il convenait, et qu'il lui a laissé le temps de se retirer à Budweis, les deux armées ennemies, dont je n'ai pu suivre celle du prince Charles, faute à trouver la subsistance, se sont jointes, ont passé la Moldau, et ont obligé par là M. de Broglie de se retirer derrière la Beraun. En apprenant cette mauvaise nouvelle, mon dessein était de marcher aussitôt vers Prague, pour soutenir cette capitale, mais en voulant faire les arrangements nécessaires pour cela, j'ai. trouvé qu'il m'était impossible d'exécuter ce dessein, puisque j'aurais abandonné par là tous mes magasins, et que je m'en serais tant éloigné que mon armée n'aurait absolument pas trouvé sa subsistance.

Dès le commencement de mon entrée en Bohême, mon avis était que les troupes saxonnes, au lieu d'aller à Leitmeritz, devaient rester proche de Prague. Depuis ce temps, j'ai plusieurs fois réitéré ma demande à cette cour, pour faire approcher ses troupes vers Prague, afin d'y être à portée de soutenir M. Broglie, étant même persuadé que l'ennemi ne se prendrait point à M. de Broglie, s'il savait les troupes saxonnes à portée de soutenir celui-ci. Mais mes avis n'ont été point du tout écoutés, et on s'est pris tellement de travers de tous les côtés qu'à la fin il est arrivé ce que j'avais craint. Mon chagrin en est d'autant plus grand que M. de Valory m'a appris que presque en même temps l'année ennemie en Bavière a trouvé moyen de passer en. deçà du Danube.

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Toutes ces circonstances, ont mis nos affaires ici en un assez mauvais état, dont je ne vois guère de remède, puisque d'un côté mon armée ne s'est point encore remise de la bataille qu'elle vient de donner, et que de l'autre côté la position de l'armée ennemie rend bien difficile la jonction des troupes qui doivent renforcer M. de Broglie. Et quoique la cour de S'axe ait à la fin, sur les instances de M. le maréchal de Belle-Isle, destiné quelque secours à M. de Broglie, néanmoins je crains que ce secours ne soit pas assez suffisant, et qu'il n'arrive point assez à temps pour mettre M. de Broglie en état d'agir en force contre les Autrichiens.

Je suis très mortifié d'être obligé de vous mander tant de désagréables nouvelles à la fois, mais comme le mal est fait, et que les moyens de le redresser sont éloignés et très incertains, je crois que dans des circonstances si critiques il ne restera guère d'autre remède pour en sortir que par une paix, qu'on sera obligé de faire à des conditions si bonnes que les circonstances le voudront permettre. Je me remets làdessus sur vos lumières, et vous prie d'être assuré de la considération et de l'estime invariable avec laquelle je suis, Monsieur mon Cousin, votre très bon cousin

Federic.

Nach dem Concept.