1150. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A FRANCFORT SUR-LE-MAIN.

Berlin, 15 juillet 1743.

Vous aurez reçu sans doute ce qu'on vous a répondu préalablement sur vos dépêches du 3 de ce mois.386-1

Maintenant je vous dirai que, quant à la déclaration que l'Empereur vous a faite, et au premier point, qui regarde la restitution de ses États, le roi d'Angleterre m'a fait toujours assurer l'hiver passé que son intention n'était point qu'on dépouillât l'Empereur ni en tout ni en partie. C'est pourquoi j'ai chargé entre autres mon ministre, le comte de Finckenstein, que je viens d'envoyer à Sa Majesté Britannique, pour l'en faire souvenir et la conjurer de ne se point écarter de ce principe. Il est vrai que la cour de Vienne demande toujours d'être indemnisée auparavant de la perte qu'elle a faite dans la guerre présente, avant que de rendre la Bavière, et qu'il fallait que l'Empereur se joignît pour cela, avec l'Empire, aux alliés de la reine de Hongrie, pour prendre ce dédommagement sur la France et procurer, même à l'Empereur, quelque acquisition; mais il faudra voir comment le roi d'Angleterre ou le lord Carteret s'expliqueront là-dessus envers mon susdit ministre, quand il aura entamé sa négociation.

Pour ce qui est du second article et de la jonction des troupes de l'Empereur à celles des Cercles, et du projet de former une armée de neutralité, je vous avoue que je regarde ce point comme impraticable. L'Empereur a vu lui-même, par les réponses que les princes et États de l'Empire lui ont faites sur la demande d'assembler une armée de neutralité, combien peu il en doit espérer; quoiqu'il eût été à souhaiter que ce prince eût insisté davantage, l'hiver passé, et surtout à la cour de l'électeur de Cologne, son frère, celles de Saxe et de Hesse, à prendre des mesures là-dessus avec moi. Mais depuis que les cours de Bonn et de Mannheim ont accepté formellement la neutralité, que les électeurs de Mayence et de Trêves n'ont rien voulu faire qui pût choquer la reine de Hongrie et ses alliés, que celle de Dresde ne peut être portée à la moindre démarche vigoureuse, qu'il en est de même de l'évêque de Bamberg et de Würzbourg et de quelques autres États de la Franconie — je laisse à juger à l'Empereur si tous ces princes, qui, après moi, sont les plus puissants en Allemagne, ayant refusé d'y donner les mains dans le temps où l'armée des alliés n'était pas encore entrée en Allemagne, et où les Français étaient encore les maîtres de la plus grande partie de la Bavière et tenaient en échec les forces de la reine de Hongrie, voudraient le faire à l'heure qu'il est, où ces derniers386-2 se <387>trouvent au cœur de l'Empire, avec une armée de plus de 80,000 hommes quand les Hollandais l'auront jointe, et où les armées de la Reine, par le lâche abandon que la France a fait des intérêts de l'Empereur, sont en état et à portée de les joindre à tout moment, et qu'il faudrait plus d'une armée de l'Empire, dont le peu de forces est connu, pour faire tête à une si grande supériorité de la Reine et de ses alliés et pour se faire respecter d'eux. Sans compter que personne ne voudra se charger de soudoyer l'armée de l'Empereur et de mettre les autres États de l'Empire en état de rendre leurs troupes mobiles et de les faire agir.

Pour ce qui concerne le troisième point de la déclaration de l'Empereur, qui remet aux médiateurs de trouver des expédients pour pouvoir entretenir son armée et soutenir la dignité impériale, c'est encore un article de la plus grande difficulté, et je voudrais que l'Empereur voulût vous faire communiquer ses idées là-dessus, pour que, sans le commettre là-dedans, j'en puisse faire usage auprès du roi d'Angleterre. Car je vous avoue, après qu'on a rejeté le tempérament que j'avais proposé, touchant la sécularisation de quelques évêchés au profit de l'Empereur, je ne vois pas à quels autres expédients on pourrait avoir recours, puisque, après le don gratuit que l'Empire a déjà fait une fois de 50 mois romains à l'Empereur, il n'y a pas d'apparence que les États de l'Empire voudraient se laisser charger une seconde fois d'un pareil fardeau, outre que cela, n'étant donné qu'une fois, ne suffirait point pour la suite.

Il est vrai que les villes libres impériales, qui sont proprement les domaines d'un chef de l'Empire, ont des patrimoines et des revenus très considérables, comme Nuremberg, Augsbourg, Ulm, Francfort, Cologne etc. etc., et qu'on pourrait les taxer à un certain contingent par an, à fournir pour l'entretien de l'Empereur et de sa cour, jusqu'à ce que ses États héréditaires se fussent un peu remis de leur ruine. Mais, outre que cela ne suffirait point pour entretenir son armée, il faudrait que tout l'Empire concourût à la Diète, pour obliger les villes impériales, qui font partie des États, à accorder un pareil subside annuel. C'est pourquoi, en touchant cette idée, il faudra que vous la fassiez passer d'abord pour vos pensées particulières, sans faire semblant qu'elles vinssent de moi, pour voir comment on les goûtera et de quelle façon on croit pouvoir les rendre praticables.

Je ne connais point d'autre ressource que celle-là pour fournir d'abord aux besoins les plus pressants de l'Empereur, dans la fâcheuse situation où il se trouve, à moins que l'Angleterre, s'il veut entrer dans ses vues, ne lui accorde les mêmes subsides qu'il a tirés jusqu'ici de la France, tant pour lui-même que pour ses troupes, article sur lequel vous pourriez sonder comme de vous-même le terrain, auprès des ministres de l'Empereur les moins prévenus pour ses engagements avec la France. Quoiqu'il paraisse assez, par une de vos dépêches du 3 de ce mois, que ce prince n'a pas pris encore assez solidement son parti, pour se <388>détacher des Français, et qu'il veut attendre toujours quelques heureux événements; en quoi il sera toujours fortifié davantage par le maréchal comte de Törring, qui jusqu'ici, à ce qu'on prétend, est toujours porté inébranlablement pour la continuation des engagements avec la France.

Au reste, comme je suis sur le point de faire plusieurs voyages, et qu'il m'importe d'être informé aussi vitement que cela se peut par rapport à la négociation de paix entre l'Empereur et la cour de Vienne, vous m'adresserez le précis de votre réponse sur cette dépêche en droiture, aussi bien que celui de toutes les relations détaillées que vous faites sur cette importante matière à mon département des affaires étrangères, qui ne peut pas d'abord, pendant mon absence, m'envoyer les relations auxquelles vous vous référez ordinairement, et dont les réponses et les résolutions sont retardées par là.

Federic.

H. Comte de Podewils. C. W. Borcke.

Nach dem Concept.



386-1 Der im Ministerium während der Abwesenheit des Königs in Stettin concipirte Erlass, d. d. Berlin 9. Juli, beginnt: „Mon absence de ma capitale ne me permettant pas de vous instruire présentement en détail“ etc. Am II. Juli kekrte der König aus Stettin nach Potsdam zurück, am 15. war er in Berlin.

386-2 Les alliés.