1202. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 28 septembre 1743.

Vos relations à mes mains propres du 3, 7 et du 14 de ce mois m'ont été bien rendues, et j'ai trouvé leur contenu si satisfaisant pour moi que j'ai tout lieu d'espérer que, de la manière dont vous vous êtes pris, pour exécuter ce que je vous ai ordonné et pour parvenir au but que je désire, on ne saurait mieux faire que vous avez fait jusqu'à présent. Aussi suis-je persuadé que vous ne resterez pas en si beau chemin, ni ne ferez les choses à moitié, mais que plutôt vous continuerez à travailler de toutes vos forces pour réussir sur tous les points que je vous ai marqués par mes précédentes, en quoi je vous aiderai en tout ce que vous désirerez; et vous pourrez être assuré de toute ma reconnaissance pour des services si grands et signalés que vous venez de me rendre, ne désespérant point que vous surmonterez par votre application et savoir-faire toutes les difficultés que vous pourriez rencontrer dans votre chemin.

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Je suis charmé d'apprendre que les sieurs de Brummer et Lestocq se prêtent avec autant de facilité à tout ce que vous souhaitez d'eux, et il serait superflu de vous recommander de les entretenir dans ces bons sentiments, par tous les moyens convenables, mais je crois que le dernier n'a pas accusé juste quand il vous a assuré qu'il n'y avait point d'article secret, dans l'alliance entre la cour de Russie et celle de Londres, où il soit parlé de la garantie d'Hanovre, sachant moi de science certaine que par un article secrétissime de ladite alliance on a promis que, si le roi d'Angleterre venait à être attaqué à l'occasion de la présente guerre contre la France, ce cas devait être pris pour un casus foederis.

J'attends l'acte d'accession au traité de Breslau que le Vice-Chancelier vous a fait espérer, et je goûte parfaitement le dessein que vous avez de proposer un article secret par lequel je promettrais à l'Impératrice la garantie, nommément, des acquisitions qu'elle vient de faire sur les Suédois par le traité d'Abo, et qu'elle me garantisse réciproquement et nommément la Silésie. Aussi recevrez-vous par ce courrier le pleinpouvoir nécessaire à ce sujet Comme le sieur Woronzow est encore en liaison avec les frères Bestushew, vous faites très bien d'agir de toute la circonspection possible à leur sujet; mais comme je suis persuadé qu'aussi longtemps que le Vice-Chancelier sera en place, vendu comme il est à l'Angleterre, je ne saurais jamais compter sur l'amitié de la Russie, vous ferez fort bien de ne vous point fier à lui, ni de vous laisser leurrer par les promesses flatteuses qu'il vous fait pendant ses détresses; et le plus sûr serait de travailler, quoique sous mains, néanmoins de la manière la plus efficace, de le culbuter, de même que d'éloigner le Grand-Maréchal, en l'employant à quelque cour étrangère. Ce que vous méditez au sujet du sieur Woronzow, est tout à fait bien pensé, et je vous adresse pour lui ci-joint la bague avec mon portrait, que vous lui ferez tenir avec un compliment bien flatteur en mon nom.

Quant à l'article d'un envoi de troupes, sans que le casus foederis existe, vous êtes parfaitement entré dans ce qui en a été mon intention, puisque je n'en demande pas à présent. Aussi tout ce que je vous ai mandé par ma précédente sur cet article, n'a été que pour votre direction, si le cas devait exister que je sois obligé de faire quelque chose par rapport au maintien de la liberté de l'Allemagne, et, ce cas même existant, je serais content si l'Impératrice voulait alors faire joindre à mes troupes seulement quelques bataillons ou quelque centaines de ses troupes communément dites irrégulières, uniquement pour imposer à ceux qui se flattent toujours qu'on pourra disposer l'Impératrice de donner du secours au parti autrichien.

Sur ce qui est du mariage d'une de mes sœurs avec l'héritier présomptif de la couronne de Suède, je ne veux pas l'abhorrer; mais si j'y dois prêter les mains, il serait absolument nécessaire que l'on éloignât auparavant le jeune Iwan, sa mère, et le Prince son époux, <428>de la manière que je vous ai déjà marquée, puisque sans cela on ne pourra jamais compter avec assurance sur la régence présente de la Russie; et il me semble qu'on agit avec trop de lenteur et de nonchalance sur un article qui importe tant à l'Impératrice.

Quant aux présents et pensions que vous serez obligé d'offrir à ceux qui sont au timon des affaires, ou à ceux qui ont la confiance de l'Impératrice, j'ai fixé la somme pour des présents jusqu'à 40,000 écus, et je viens d'ordonner aux sieurs Splittgerber et Daum qu'ils doivent mander à leurs commissionnaires à Pétersbourg qu'outre les 20,000 écus qui y sont à votre disposition, ils ydoivent ajouter encore 20,000 écus. Pour des pensions, j'ai réglé la somme jusqu'à 10,000, et en fout cas jusqu'à 15,000 écus, dont vous pourrez disposer selon que mon intérêt et mon service le demande. Et comme il m'est impossible de vous nommer ceux à qui vous auriez à donner ou des présents ou des pensions, ni de vous fixer la somme jusqu'où vous pourrez aller pour un chacun d'eux, je vous autorise et vous donne plein-pouvoir d'en user tellement que vous le trouverez convenable pour mes intérêts, et de les distribuer comme il vous semblera bon, vous assurant par celle-ci que vous n'en serez jamais recherché ni n'en répondrez à personne, et il me suffira que vous me mandiez après coup de quelle manière vous l'avez distribué.

Au reste, ayant eu des avis que l'Empereur s'est laissé disposer sur mes représentations de donner le titre d'impératrice à la souveraine de Russie, vous en ferez usage et vous concourrez pour qu'on établisse une correspondance de la part de la cour de Russie avec l'Empereur.

Puisqu'aussi l'Impératrice demande à avoir le collier de mon ordre, j'y fais travailler actuellement, et il vous sera envoyé à la première occasion. Je m'accommoderai, au reste, volontiers au désir de l'Impératrice au sujet de la célébration de l'anniversaire de l'ordre de Saint-André.

Federic.

Faites d'ailleurs tout ce qui dépend de vous pour vous rendre agréable à cette grande princesse, et regardez ses intérêts tout comme les miens.

Nach dem Concept. Der Zusatz nach Abschrift der Cabinetskanzlei.