1214. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Potsdam, 5 octobre 1743.

J'espère que ma lettre du 30du mois de septembre passé vous sera bien parvenue. Par des lettres que j'ai reçues de Hollande, on me mande que le marquis de Botta a écrit au baron de Reischach que tout ce qu'on avait débité comme s'il avait eu quelque part aux troubles arrivés à Pétersbourg, était faux et controuvé. Quoique je sache ce que j'en dois croire, néanmoins cela me confirme dans ce que je vous ai dit dans ma susdite lettre sur les appréhensions que j'ai que le parti autrichien avec celui d'Angleterre ne dresse de nouvelles batteries contre la personne de l'Impératrice. Il n'est guère probable qu'un ministre comme Botta eût entamé une affaire de cette nature sans l'aveu de ses supérieurs, et, comme la mêche a été découverte et que l'affaire a fait tant de bruit, la cour de Vienne ne peut plus garder de milieu avec celle de Russie, ainsi qu'il est fort à appréhender que le parti autrichien, poussé autant par désespoir que par vengeance, ne mette tout en œuvre pour culbuter l'Impératrice et pour mettre à sa-place le jeune Iwan, à <437>quoi le temps d'hiver, où le ministère de Vienne sera peu occupé par les opérations de guerre, donnera le loisir nécessaire, pour faire jouer tous les ressorts imaginables afin de produire le jeune Iwan. Il sera donc d'une nécessité absolue qu'elle fasse deux choses pour sa conservation; la première, de prendre ses sûretés au sujet de l'enfant, de la mère et du prince de Brunswick, de la manière dont vous êtes déjà instruit; en quoi il ne faut guère perdre du temps, mais faire au plus tôt possible ce qu'on ne peut absolument point se dispenser de faire, et cela même avant que l'hiver donne du loisir aux ennemis secrets de la souveraine de Russie de pointer leur canon contre elle. La seconde chose est de ne laisser plus le timon des affaires dans les mains des deux frères Bestushew, mais, de les éloigner au plus tôt, étant impossible que l'Impératrice se puisse plus fier à eux après la flétrissure qu'ils croient avoir reçue dans la personne de la femme de l'un d'eux,437-1 et dont apparemment ils seraient bien aise s'ils pouvaient avoir leur vengeance. Mon intention est donc que vous devez insinuer tout cela de la manière la plus adroite à ceux où il appartiendra, pour qu'ils en fassent usage auprès de l'Impératrice, ces deux points méritant bien qu'elle en fasse des réflexions sérieuses. Au reste, vous devez bien vous garder de vous laisser leurrer par les paroles émmiellées du Vice-Chancelier pendant le temps de ses détresses; et, vendu qu'il est au parti anglais, je ne me croirai jamais assuré de la Russie, aussi longtemps qu'il sera en place.

Federic.

Nach dem Concept.



437-1 Die Gemahlin des Hofmarschalls Bestushew, eine geborne Gräfin Golowkin, war anlässlich des in August entdeckten Complots verhaftet worden.