1241. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Potsdam, 28 octobre 1743.

Mon cher Podewils. Je me souviens que Chambrier a mandé en une de ses relations que le marquis de La Chétardie repasserait par la Suède pour aller en Russie, et cela pour s'aboucher avec M. de Lanmarie, lequel doit être dans des principes différents de ceux de La Chétardie, et que le dernier voulait se disculper à son passage par Stockholm des imputations dont la nation suédoise le chargeait au sujet de la dernière guerre avec la Russie. Si La Chétardie avait voulu gagner Pétersbourg par diligence, il aurait sûrement passé par Berlin, comme le chemin le plus court; mais comme il va par Stockholm, il faut nécessairement qu'il y ait à faire, et que peut-être même la France veuille faire la médiation des querelles du Nord. En un mot, quoi que ce puisse être, je ne crois point que cette mission nous puisse être préjudiciable dans la situation présente où sont les affaires.

Je me confirme, d'ailleurs, de plus en plus dans l'idée où je suis que nous aurons cet hiver les préliminaires de la paix-générale. Le roi d'Angleterre n'en a pas peut-être personellement envie, mais la nation, lasse de cette guerre, sera peut-être portée à prêter l'oreille aux propositions que la France fera au nom de l'Espagne, et nous aurons une paix plâtrée par là, qui rétablira l'Empereur dans ses États, qui procurera un établissement en Italie à Don Philippe, et quelque liberté au commerce des Anglais. L'ouverture du parlement d'Angleterre nous débrouillera cet avenir, qui certainement doit être fort intéressant à l'Europe. L'on voit cependant l'embarras où se trouve la cour de Vienne pour les subsides anglais, par les insinuations qu'ils ont faites en Angleterre pour savoir s'ils auraient de l'argent ou non, et cela probablement pour prendre leurs mesures en conséquence. En un mot, je suis persuadé qu'au mois de janvier le système de l'Europe sera tiré au clair, et que l'on saura à quoi s'en tenir, et il est apparent que ni la Russie ni le reste du Nord n'y figureront plus.

Adieu, mandez-moi si vous pensez de même.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.