1286. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Berlin, 16 décembre 1743.

Je viens de recevoir vos dépêches du 1er de ce mois, du contenu desquelles j'ai lieu d'être' très content, y ayant trouvé partout des marques de votre fidélité et de la dextérité avec laquelle vous venez d'exécuter tout ce que je vous ai ordonné; aussi n'en obligerez-vous point un ingrat.

Quoique je souhaite de tout mon cœur que la maladie du Grand-Duc, qui a tant inquiété Sa Majesté Impériale, ne soit d'aucune suite, néanmoins, si contre toute attente ce cher prince venait à manquer, l'expédient qu'on a imaginé pour affermir l'Impératrice sur le trône, le cas de mort du jeune Duc existant, en m'envoyant la famille infortunée sous des conditions que vous me marquez,488-1 me paraît assez bon, et je ne laisserais point d'y prêter les mains alors; ce que je vous ne dis pourtant que pour votre direction, si le cas inopiné de la mort du Grand-Duc devait arriver et qu'on vous parlât alors dudit expédient. J'aurais aimé, au reste, que vous m'eussiez nommé la maladie qui a fait tant craindre pour la vie de ce prince.

Je suis fâché d'apprendre que l'Impératrice ait changé de sentiment pour la jeune princesse de Zerbst, par des insinuations mal-fondées d'un évêque bigot ou corrompu.488-2 J'espère pourtant que, si vos amis mettent en pratique ce que vous leur avez conseillé,488-3 on réussira encore à ramener l'Impératrice vers la princesse de Zerbst. Si pourtant il n'y avait pas moyen d'y réussir, vous devez proposer alors la princesse de Hesse<489>Darmstadt. Quoique Vous croyiez d'ailleurs que le conseiller privé Vockerodt pourrait être dispensé de la déduction que le conseiller privé Lestocq lui a demande, néanmoins, comme il l'a déjà achevée, je lui ai ordonné qu'il la lui doit envoyer. Je souhaite à présent que le grandmaréchal de Bestushew puisse arriver ici au plus tôt possible, et il me sera le bien venu par plus d'une raison, que vous savez. Quant aux 2,000 roubles à ajouter au présent pour le Vice-Chancelier, et les 1,000 roubles pour le conseiller privé de Brewern, je vous en laisse le maître, et vous en agirez librement, selon que vous le trouverez convenable pour mon service.

Touchant l'achat de chevaux en Ucraine, comme l'Impératrice veut avoir la complaisance de m'y accorder le passe-port que je lui ai fait demander, et qu'on vous a demandé les noms des officiers que je souhaite d'y envoyer, je vous dirai que je n'y enverrai que le major général de Bronikowski, qui prendra une couple d'officiers subalternes avec lui, et le nombre de chevaux que je veux faire acheter n'excèdera pas celui de 300. Sur tout le bien que vous me dites du capitaine Schütz, je le prendrai pour être major dans un de mes régiments de hussards, quand il aura obtenu de bonne grâce son congé. Ce que vous me dites au sujet des Cosaques que j'avais envie d'établir dans mes États, est trop bien fondé pour que je ne vous dusse ordonner là-dessus de n'en faire point de proposition et de laisser cette affaire.489-1 Sur ce qui est de la pension promise au conseiller privé Lestocq, vous pouvez bien croire que je n'y marchanderai pas, et je lui accorde avec plaisir les 4,000 roubles au lieu des 4,000 écus, qui vous seront remis par quartier de la manière que vous savez déjà.

Au reste, il sera nécessaire que vous continuiez à bien observer les intrigues des Anglais, de même que de la cour de Dresde, et je viens d'être averti qu'il se négocie actuellement un traité entre la dernière et celle de Vienne par l'entremise du ministre d'Hanovre qui est à Dresde, bien que l'affaire ne soit pas encore venue, à ce qu'on dit, à sa consistance.

Federic.

Nach dem Concept.



488-1 Der Plan ist „d'envoyer, si cette fâcheuse catastrophe existait, la famille infortunée à Votre Majesté, après qu'elle aurait fait serment de ne pas remettre te pied en Russie ni sortir des limites des États de Votre Majesté sans le consentement de Sa Majesté Impériale, en établissant en même temps la succession en faveur du prince Iwan ... et lui assignant, en attendant, une pension annuelle de 100,000 ou 150,000 roubles, et qu'au reste on prierait Votre-Majesté de faire bien élever ledit prince et d'avoir l'œil sur tout.“

488-2 Der Erzbischof von Nowgorod.

488-3 Mardefeld hatte seinen Vertrauten Brummer und Lestocq gerathen, „d'offrir par le canal du confesseur du Grand-Duc audit archevêque une couple de mille roubles, avec promesse de tripler la dose, si la chose réussit, pour qu'il déclare comme de son propre mouvement à l'Impératrice qu'ayant feuilleté avec soin tous les auteurs grecs et pesé toutes leurs raisons, il avait trouvé clairement que ce mariage n'était pas contre les ordonnances de l'église grecque.“

489-1 „La Russie étant si peu peuplée“ , schreibt Mardefeld, „qu'on serait bien aise d'acheter du inonde pour remédier à cet inconvénient, je regarde comme une impossibilité d'obtenir les 300 familles de Cosaques ... Je présume qu'une telle proposition pourrait occasionner des soupçons“ etc.