12906. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

[Kunzendorf,] 24 mai 1761.

Mon cher Frère. Je ne puis rien vous apprendre de nos hautes prouesses, car nous n'en avons point fait; nous sommes à nous examiner de loin, et à peine y a-t-il tous les huit jours un cheval de hussard de blessé. J'ai eu beaucoup à trotter pour mettre mes différents campements en règle; à présent tout est bien établi, et nous n'avons pas grand'chose à faire. Schwerin415-2 est fort en colère contre la reine de Hongrie et contre Daun; il dit qu'ils se sont moqués de lui avec leur cartel. Il s'en est aperçu un peu tard, le pauvre garçon; il dit qu'il trouve le monde plus méchant qu'il ne l'avait cru. Il me semble qu'on n'a pas besoin d'avoir quarante-cinq ans pour s'en apercevoir, et que cette réflexion doit se présenter à tous ceux qui entrent dans le monde, un an après qu'ils sortent du collège. Schwerin doit se consoler par le proverbe qui dit que les fruits tardifs sont les meilleurs. Je crois que, quand Seydlitz pourra gagner le dessus sur son hypocondrie, qu'il se portera bien comme autrefois ...415-3

Je ne sais, mais je ferais presque un pari que les Français feront leur paix à la fin de juin ou au commencement de juillet, et que vers l'automne nous et toutes les parties belligérantes chacun s'en ira chez soi planter ses choux et cultiver son jardin. Ne pensez pas cependant, mon cher frère, que j'aie exalté mon âme; j'ai fait ce que j'ai pu pour y réussir, mais je n'ai pas été assez heureux d'atteindre à ce comble d'enthousiasme.

Zastrow a de nouveaux prophètes; l'un pronostique la paix, l'autre une bataille avec les Russes, un troisième une bataille avec les Autrichiens.<416> Vous n'avez que le choix des choses possibles avec eux, et il faut bien que de tant de choses si différentes il y en ait une qui arrive ...416-1

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



415-2 Oberst und Commandeur des Regiments Gensdarmes. Vergl. Bd. XIX, S. 309. 428.

415-3 Am 24. Mai drückt der König dem General von Seydlitz seine Freude darüber aus, „dass Ihr bei der Armee dorten eingetroffen seid. Ich bin persuadiret, dass, wann Ihr auch bei Eurer Ankunft noch nicht ganz vollenkommen besser gewesen seid, es sich doch damit völlig geben werde, wann Ihr Euch nur erstlich in Bewegung gesetzet und Euch wiederum occupiret haben werdet.“ [Ausfertigung in Landeshut. Wallenbergsche Bibliothek.]

416-1 Den unpolitischen Schluss des Schreibens vergl. in den Œuvres, Bd. 26, S. 225. 226.