1336. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRAEFFEN A FRANCFORT-SUR-LE-MAIN.

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Klinggräffen berichtet, Frankfurt a. M. 4. Februar: „Chavigny est venu me voir, hier au matin ; il commença par me dire qu'il était muni de tout pour faire connaître par des réalités les bonnes dispositions de son maître à soutenir l'Empereur; que pour cet effet, il était chargé d'offrir des subsides à la Hesse .... qu'il en serait de même des troupes palatines. Il m'assura que la flotte de Toulon devait être sortie le 1er de ce mois, avec ordre de chercher les Anglais; que la flotte de Brest et celle de Rochefort étaient pareillement sur le point de lever ancre ; qu'elles étaient dans le meilleur état du monde; que les armées de France étaient de 330,000 hommes effectifs .... Qu'il n'ignorait point que Votre Majesté jusqu'à présent avait eu, avec raison, assez peu de contentement du ministère de France, que même le Roi son maître le savait, mais il ajouta que ce Prince, qui gouvernait par lui-même, donnerait des preuves convaincantes de sa fermeté et de sa solidité, ne souhaitant rien avec plus d'empressement que de mériter l'amitié de Votre Majesté . . . Après cet exposé, Chavigny entra plus en matière, et dit qu'ayant mûrement réfléchi sur le secours que Votre Majesté pourrait donner à l'Empereur et avancer

Potsdam, 11 février 1744.

Après avoir appris par votre dépêche en date du 4 de ce mois le retour du sieur de Chavigny, et de quelle manière il s'est expliqué envers vous sur les bonnes dispositions de sa cour pour soutenir l'Empereur, et sur les moyens qu'il croit les plus convenables pour parvenir à une paix honorable, je veux bien vous dire que mon intention est qu'aussitôt que l'occasion se présentera pour vous entretenir avec Chavigny, vous lui direz d'une manière polie, après l'avoir assuré des sentiments d'estime que j'ai pour lui, que je lui suis fort obligé des ouvertures qu'il voulait me faire, mais que je le prie de considérer que dans le temps où j'avais proposé à la France des projets aussi praticables qu'utiles, tant à la France qu'à l'Empereur, la cour de France les avait rejetés avec froideur; qu'après cela, depuis trois ou quatre

en même temps Ses propres intérêts, sans donner attente à Sa neutralité ni au traité de Breslau, pour concourir au rétablissement de la paix dans l'Empire, il avait trouvé pour infaillible, et c'était aussi l'idée de son maître, savoir que les Français formeraient sur le Rhin une armée d'environ 80,000 hommes, qui sera commandée par le maréchal de Noailles et le comte de Saxe ; une autre, pas moins respectable, sur la Meuse sous le commandement du maréchal de Belle-Isle . . . qu'il faudrait former dans l'Empire une ligue, entre Votre Majesté et quelques autres princes, et assembler une armée en conséquence. Cette ligue se formant pour le rétablissement de la paix dans l'Empire, d'autres princes s'y joindraient, et que cette ligue devrait députer vers la reine de Hongrie pour lui représenter que, pour faire cesser la guerre dont l'Empire est déchirée, on espérait que cette Princesse voudrait bien reconnaître l'Empereur et lui restituer incessamment ses États patrimoniaux, et que pour ce qui regardait les différends entre l'Empereur et elle, cette Princesse pourrait les porter à la médiation de l'Empire.... Qu'on pourrait commencer par Votre Majesté, la Hesse, la Bavière, l'Electeur palatin, les maisons de Baireuth et d'Ansbach; qu'il faudrait alors que la France entrât dans la ligue, sur le pied de garante de la paix de Westphalie.“31-1

mois, elle avait eu trois ou quatre plans différents des opérations de guerre, dont le premier avait été de faire une guerre offensive en Flandre, de prendre Mons et de se tenir à la défensive sur le Rhin ; le second, de garder une armée défensive en Flandre, d'assiéger Fribourg, et de faire pénétrer un corps d'armée jusque dans les États d'Hanovre; le troisième, ou plutôt le quatrième, était celui que Chavigny venait de proposer; que je ne savais que penser de tant de changements de plan, et qu'il serait obligé de convenir lui-même qu'on ne saurait jamais répondre de gens qui par des changements si fréquents faisaient tant remarquer leur incertitude et faiblesse dans les mesures ; que j'étais fâché de me voir obligé de dire à Chavigny qu'il était dupe du ministère français, et que celuici n'avait tardé jusqu'à présent d'accorder l'argent pour les troupes hessoises que par ce qu'il avait craint de trouver trop de facilité pour y réussir, et que, s'il accordait à présent ces subsides, c'était sur des nouvelles positives qu'il avait reçues de Londres que dans le parlement l'affaire des subsides avait été réglée avec la Hesse, et qu'il me semblait que ce jeu n'était pas assez fin pour qu'on ne pût pas s'en apercevoir; qu'outre cela, si l'on examinait le plan de Chavigny, il ne serait autre chose, tout naturellement considéré, que de laisser les armées françaises de 330,000 hommes défensives, et de former une faible ligue de quelques princes de l'Empire, pour les charger de l'exécution des volontés de la France, dont celle-ci ne voudrait pas courir les hasards elle-même ; qu'à la vérité, je m'étais engagé d'entrer dans une association à former entre les cercles de l'Empire, mais que c'était bien différent de la ligue que Chavigny proposait; que selon les lois de l'Empire cette association serait loyale, et que les maisons associées ensemble, avec celle de la maison palatine, auraient formé un corps respectable qui pourrait alors

 

demander de droit la médiation entre les parties belligérantes ; mais, si on prenait d'autres biais, j'étais obligé de dire que, de quelque différente façon qu'on prît la chose, je n'y voyais jour, quoique je serais toujours charmé d'être utile à quelque chose pour les vues de Sa Majesté Très Chrétienne et de Sa Majesté Impériale, pour lesquelles j'avais tout l'attachement imaginable; que, s'il ne s'agissait que de mettre l'Empereur dans la possession de ses États, il était connu que la France avait des forces en main pour rétablir facilement l'Empereur ; mais que c'était une chose qui même sans cela arriverait absolument, à la paix, et qui n'affaiblirait en rien la maison d'Autriche; que même je ne voyais point la sûreté ni l'avantage solide que cela pourrait produire à l'Empereur; que je ne pouvais cacher à Chavigny que je croyais que pour l'honneur de la France on pourrait former des projets bien plus vastes et plus fermes que ceux qu'on a formés jusqu'à présent, et lui assurer par là ses véritables intérêts, mais que je n'osais jamais proposer de laisser à la défensive 300,000 hommes, contre des ennemis qui n'ont tou au plus qu'un tiers de ces forces.

Quant à l'article de la garantie du roi de France que Chavigny me promet de la Silésie, vous lui direz que je m'en étonnais beaucoup, et que je voyais apparemment par là que M. de Chavigny n'était pas assez instruit de l'alliance que le roi de France coucha avec moi, l'année 1741. Que cette alliance roula sur deux points de ma part, savoir 1 ° que je renoncerais à la succession de Juliers et de Bergue pour la Silésie, que la France me garantirait à perpétuité; le second était, que je contribuerais à l'élection de l'empereur d'aujourd'hui; que j'avais rempli religieusement ces deux articles, et que je ne saurais douter que le roi de France ne dût remplir ses engagements avec la même exactitude.

Voilà de quelle manière vous devez vous expliquer envers Chavigny, ce que vous ferez pourtant avec toute la politesse imaginable, en y joignant force d'assurances de mon amitié et de mon attachement sincère à sa cour ; surtout tâcherez vous de continuer une espèce de négociation avec lui, afin qu'en cas que je voulusse me raccrocher à la France, j'aie toujours une porte ouverte d'y venir par son canal. Vous lui ferez aussi entrevoir que je n'attendais que de voir agir la France avec effort, et, si une occasion s'y présentait, vous pourriez bien dire de loin et comme de vous même que, dans tout ce que la France m'avait dit jusqu'à présent, les motifs n'avaient pas été assez grands pour entreprendre des choses dont il ne me reviendrait aucun avantage, ce que vous toucherez cependant bien délicatement, et point du tout autrement qu'à une occasion favorable. Et sur cela, je prie Dieu etc.

Federic.

Nach der Ausfertigung.

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31-1 In einem Bericht vom 8. Februar schreibt Klinggräffen, die von Chavigny geplante Ligue werde dem Rheinbunde von 1658 gleichen.