1462. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.

Pyrmont, 4 juin 1744.

J'espère que la dépêche que je vous ai faite en date du 2 de ce mois vous sera bien parvenue; comme il faut qu'à l'arrivée de celle-ci le sort du vice-chancelier Bestushew soit déjà décidé, c'est-à-dire ou qu'il sera déplacé et envoyé ailleurs, ou qu'il aura un supérieur et des collègues capables de le contenir, ou qu'il sera continué en place et en crédit par le savoir-faire de l'Archimandrite favori et de ses autres adhérents, je veux bien vous dire que je serai charmé d'apprendre l'un ou l'autre des deux premiers cas énoncés; mais si, contre toute attente, et par une destinée peut-être fatale à l'Impératrice, le troisième cas était arrivé, et que ledit Vice-Chancelier se serait maintenu en place ou qu'il serait même déclaré grand-chancelier, les circonstances présentes et l'exécution des desseins que je médite demandent alors absolument que vous changiez un peu de mesures, et qu'en tâchant de vous conserver autant qu'il est possible la confidence de vos amis anciens, vous employiez tout votre savoir-faire pour faire changer le vice-chancelier Bestushew de parti et de conduite qu'il a tenus jusqu'ici envers moi, pour l'attirer dans mes vues et mes intérêts et pour me gagner son amitié et sa confiance par des sommes que vous lui offrirez de ma part. Dans ce cas-là, et si vous croyez qu'il soit possible de le faire entrer dans tout ce que je viens de vous dire, je vous permets et vous autorise par la présente de lui offrir la somme de 100,000 ou 120,000, même jusqu'à 150,000 écus, que je vous ferai remettre d'abord que j'aurai votre rapport sur ce sujet. Il serait tout-à-fait superflu si je voulais vous dire qu'il faudrait que vous vous preniez dans cette commission d'une manière bien délicate et avec toute la prudence possible, pour ne pas vous exposer à un refus de la part de Bestushew et qu'il fît un sacrifice de votre offre soit à sa souveraine soit au parti anglais ou saxon ou qu'il escroquât votre argent sans changer de conduite, étant déjà gagné des <170>Anglais ou des Saxons par des sommes ou des pensions plus considérables. J'ai trop de confiance sur votre prudence, dextérité et savoirfaire pour ne pas me remettre tout-à-fait là-dessus sur vous, et je suis entièrement persuadé que, si vous êtes obligé de me rechercher l'amitié de cet homme, vous saurez vous y prendre bien à propos et après avoir mûrement examiné les circonstances pour attraper l'heure du berger. Quant à la somme que vous lui offrirez alors, je vous laisse le maître absolu de la déterminer de la manière la plus convenable, et il dépendra de votre discrétion ou de gagner d'emblée cet homme, en lui offrant tout d'un coup le total de la somme que je vous ai autorisé de lui offrir, ou de la partager et les offrir à différentes reprises, pour le tenir en haleine: bref vous règlerez tout selon les circonstances et les occurrences qui s'offriront à vous .... J'attendrai avec quelque impatience votre rapport sur tout cela, que vous m'enverrez par un courrier, et il ne me reste autre chose qu'à vous réitérer que tout ce manège soit fini d'une manière ou d'autre dans le mois où nous sommes et que je sache pour le plus tard vers le milieu de juillet, d'une manière à y pouvoir compter sûrement, où je suis avec la Russie et ce que j'en ai à attendre.

Federic.

Ceci est le dernier effort que je ferai et le non plus ultra de mes forces.

Nach dem Concept. Der Zusatz nach Abschrift der Cabinetskanzlei.