1583. AU MARÉCHAL DE FRANCE DUC DE NOAILLES [A STRASBOURG].

Camp devant Prague, 16 septembre 1744.

Monsieur. Le sieur du Mesnil, qui est arrivé avant-hier ici, m'a bien remis les deux dépêches que vous m'avez faites en date du 1er de <284>ce mois, et je ne saurais que de vous remercier, Monsieur, de l'attention que vous m'avez voulu témoigner par là, et de toutes les informations détaillées que vous m'avez données sur ce qui s'est passé jusqu'ici par rapport aux opérations militaires.

J'ai vu surtout avec satisfaction que vous travailliez à présent à mettre l'armée de l'Empereur en état de marcher en avant et de faire une communication sûre avec la Bavière, pour soutenir d'autant mieux cette armée. C'est un point essentiel que de fortifier l'armée sous les ordres du maréchal de Seckendorff à un point qu'elle n'ait plus l'air d'une avant-garde, mais qu'elle soit mise autant en force qu'on n'ait pas à craindre que, si l'envie prenait au prince Charles de Lorraine de se tourner vers la Bavière, ladite armée ne fût poussée et obligée de se retirer avec précipitation; ce qui, pourtant, ne manquerait pas de se faire, si elle n'est pas assez renforcée, étant impossible qu'une armée de 32,000 combattants se puisse soutenir contre une de 50 à 60,000 hommes. Ce que nous avons vu se passer à ce sujet, il y a trois ans, nous doit rendre bien attentifs, pour ne pas retomber dans de pareils inconvénients, qui, outre la honte que nous en aurions, ne manqueraient pas de déranger infiniment toutes les mesures que nous avons prises, et donneraient, au bout du compte, cause gagnée à nos ennemis communs. Je vous supplie donc, au nom de Dieu, de vouloir contribuer de tout votre mieux que l'armée du maréchal de Seckendorff soit mise autant en force qu'elle puisse agir efficacement en Bavière et se soutenir contre toutes les insultes que l'ennemi lui voudra faire. Car si nous ne faisons pas tous nos efforts à la fois, et que nous n'agissions, pour ainsi dire, que par pelotons, il sera impossible que le maréchal de Seckendorff, avec un corps si inférieur aux forces de l'ennemi, puisse faire des efforts, ni se soutenir quand même il en ferait. C'est sur cet article, Monsieur, que je vous prie de vouloir bien me rassurer et de me mander au plus tôt possible ce que j'en dois espérer.

Quant au résultat de la conférence entre vous et le maréchal de Seckendorff, je le trouve, avec ce que Sa Majesté Impériale y a joint de remarques, tout très bien pensé, et comme je me suis amplement expliqué là-dessus à M. le maréchal de camp du Mesnil, je me remets à ce qu'il aura l'honneur de vous en dire. Après cela, j'espère qu'on se fixera sur ce plan, et qu'il n'y aura plus de changements, qui rendraient de nouveau incertaines nos opérations, surtout par le peu de temps qui nous reste, cette année, pour agir. Je vous ai mille obligations de ce que vous ne voulez pas laisser tomber le plan touchant l'envoi d'un corps de troupes vers le Bas-Rhin et le pays d'Hanovre, d'abord que la conquête du Brisgau sera achevée, et je me tiens tout-à-fait assuré qu'on ne voudra pas négliger à faire ce coup, dont il ne saura que résulter beaucoup de bien à la cause commune.

Je suis charmé de la résolution qu'on a prise de fournir à l'Empereur une armée de 50,000 hommes, l'année qui vient, et il ne me <285>reste sur cet article que de vous faire souvenir de la nécessité qu'il y a d'arranger cette affaire de la manière que cette armée soit complète et toute formée dans le mois de février de l'année future, puisque sans cela tout viendrait trop tard et serait sans effet.

Quant aux sujets de plainte que vous me témoignez d'avoir contre le maréchal de Schmettau, je vous prie d'être assuré qu'il ne m'a point écrit dans cet esprit que vous craignez, et qu'il sait trop respecter vos mérites pour ne pas s'émanciper à m'en vouloir faire de sinistres insinuations. S'il a agi un peu vivement dans d'autres occasions, vous ne l'imputerez qu'au zèle que je lui connais pour la cause commune et pour mes intérêts; mais il n'oubliera jamais ce qu'il vous doit, et, quant à moi, je vous prie d'être tout-à-fait assuré des sentiments d'estime avec lesquels je serai invariablement, Monsieur, votre très affectionné ami

Nach dem Concept.

Federic.