1702. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE BEESS A DRESDE.

Berlin, 26 janvier 1745.

Je ne doute pas qu'on ne soit déjà informé à la cour où vous êtes, avant l'arrivée de cette dépêche, de la mort de l'Empereur. Comme cet événement pourrait selon toutes les apparences faire renaître les idées de la cour de Saxe sur la dignité impériale ou au moins sur l'excercice de la voix électorale de Bohême dans la future élection, à laquelle, comme vous savez, le roi de Pologne a prétendu comme l'héritier mâle le plus proche de la maison d'Autriche, du chef de la Reine son épouse, il m'importe extrêmement dans la crise présente des affaires d'être informé au plus tôt de la façon de penser de la Saxe sur des objets de cette importance. C'est pourquoi mon intention est que vous fassiez connaître au plus tôt, avec un air de confiance, au comte de Brühl que, la mort de l'Empereur ne pouvant manquer de jeter tout l'Empire dans de nouveaux embarras et dans une confusion beaucoup plus grande que celle où il se trouve maintenant, je serais bien aise de savoir les sentiments du roi de Pologne comme un des principaux électeurs sur la situation présente des affaires de l'Empire, pour prévenir de concert avec lui — comme nos intérêts réciproques et ceux de nos États en Allemagne le demandent absolument — toutes les suites funestes qu'un nouvel interrègne, les sentiments partagés du collége électoral et du reste des États de l'Empire pourraient faire naître; que, si le roi de Pologne trouvait à propos de s'en ouvrir confidemment envers moi, il ne serait peut-être pas si difficile de concilier<25> nos idées différentes, tant pour l'avantage particulier de nos deux maisons électorales que pour le salut et le véritable bien de notre patrie commune; que, quels que puissent être les sentiments de ce Prince sur une affaire de si grande importance, il pouvait compter que je n'en ferais jamais un mauvais usage et que je paierais sa confiance d'un fidèle retour de ma part. Après ces insinuations vagues et générales, vous pouvez insensiblement et sans affectation faire tomber le discours, comme de vous même, sur les vues que la cour de Saxe a eues à la mort de Charles VI sur la dignité impériale et sur l'exercice de la voix électorale de Bohême pour l'élection d'un nouvel empereur; vous pouvez même laisser entrevoir finement et sans me commettre, que, si l'on savait s'y prendre comme il fallait et qu'on voulût s'entendre avec moi, je ne serais peut-être pas aussi contraire aux vues du roi de Pologne, comme on pourrait se l'imaginer, et qu'il ne serait pas si difficile de concilier nos idées.

Enfin, il faut que vous tâchiez, par des raisonnements et des réflexions sur la mort de l'Empereur, de tourner le comte de Brühl de tant de façons différentes qu'il se découvre d'une ou d'autre manière sur ce qu'il pense sur ce grand événement et sur les vues du Roi son maître, et, sans lui donner des espérances positives de ma concurrence à les faire réussir, de lui laisser une perspective pour la possibilité d'y parvenir. Comme il y a de l'apparence que ce ministre se tiendra d'abord fort boutonné envers vous et qu'il voudra consulter ses oracles et pressentir même les sentiments du Roi son maître là-dessus, vous pouvez tâcher de faire naître des occasions pour revenir à la charge sur ce sujet, mais sans empressement ou affectation. Le comte de Rex et le baron de Hennicke étant souvent consultés, aussi, par le comte de Brühl sur ces sortes de matières, surtout le premier pour tout ce qui regarde les affaires de l'Empire, vous ne manquerez pas de leur tâter également le pouls sur ces objets, en leur laissant entrevoir du plus au moins quelque lueur d'espérance, selon que vous le trouverez convenable, sur un concert à faire entre moi et le roi de Pologne par rapport à ce grand événement.

Il faut que vous soyez aussi extrêmement attentif aux négociations du comte d'Esterhazy, ministre de la reine de Hongrie, relativement à la mort de l'Empereur, pour pénétrer autant qu'il est possible les propositions que la cour de Vienne pourrait faire ou avoir faites déjà pour entraîner le roi de Pologne dans ses vues pour la dignité impériale en faveur du duc de Lorraine, ou bien si la reine de Hongrie voudrait s'engager à la procurer au roi de Pologne à condition qu'il s'engageât de faire élire soit le duc de Lorraine, soit l'Archiduc son fils roi des Romains.

Il y a bien des gens qui prétendent qu'on a pris déjà quelques arrangements de loin là-dessus, par un article secret du dernier traité entre la Saxe et la cour de Vienne.

<26>

J'attends sur tout cela votre rapport détaillé et bien chiffré, par estafette.

Federic.

H. Comte de Podewils.

Nach dem Concept.26-1



26-1 Der König schreibt an den Rand des aus der Feder von Podewils stammenden Conceptes: „Ceci est le mieux du monde, faites-le partir sur le champ.“