2172. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Potsdam, 15 mars 1746.

Vos relations du 1er et du 4 mars m'ont été bien rendues. Vos soupçons que le lord Carteret avait formé quelque système avec les ministres de Russie, de Vienne et de Saxe, lequel n'aurait point été à mon avantage, ne sont que trop fondés, et je sais présentement ce que je dois croire des fréquentes conférences secrètes qu'il y a eu à Vienne entre les ministres autrichiens et celui de Russie, le sieur Lantschinski,<45> de même que de l'envoi secret de la cour de Dresde à Pétersbourg d'un certain secrétaire du cabinet, nommé de Lœben, de même que d'un prétendu marchand anglais que le lord Hyndford a dépêché en secret avec un gros paquet de lettres de Pétersbourg vers l'Angleterre. Enfin, j'ai des indices moralement certains que pendant que les ministres de l'Angleterre ont travaillé honnêtement pour les vrais intérêts de l'Angleterre, ils ont été les dupes des autres gens qui n'ont pas laissé de travailler en secret contre tout ce que lesdits ministres ont cru faire du bien, et qu'on a roidi la reine de Hongrie sous main de ne point se prêter aux conditions dont on était convenu par la convention d'Hanovre, en même temps qu'on a tâché de révolter les Russes contre moi, en leur fournissant même l'argent nécessaire pour rendre leurs troupes mobiles. Ce que je dis pourtant seulement pour votre direction; vous ne manquerez cependant point de parler à milord Harrington des risques que j'ai encourus, lorsque je m'étais tout-à-fait confié aux assurances qu'il m'avait données, et des dangers et des embarras où j'aurais été en me fiant à ses sincérations, si la Providence ne m'en avait sauvé miraculeusement; que je reconnaissais parfaitement bien que cela n'avait point du tout été de sa faute et qu'il avait été peut-être aussi trompé que moi là-dessus, mais qu'il concevrait à son tour combien il était nécessaire de ne pas souffrir que lord Carteret, comme l'instrument principal de tout le mal, fût à même de faire dorénavant de pareilles trames, et que j'abandonnais à ses lumières s'il ne serait d'une nécessité indispensable de ne plus permettre qu'il soit si proche à faire tant de mal qu'il a fait, mais de l'éloigner plutôt pour ne pas pouvoir plus être le ministre des iniquités, et que je me remettais ainsi sur lui, milord Harrington, qu'il prendrait ses mesures là-dessus.

Comme j'ai vu par votre relation les raisons pourquoi le roi d'Angleterre a été tant indisposé contre le sieur Pitt, et que j'ai reconnu pourtant que les sentiments que celui-ci a eus sont dignes d'un véritable Anglais, mon intention est que vous deviez prendre l'occasion à lui faire un compliment très obligeant de ma part, en l'assurant de toute mon estime et combien je souhaitais que ses principes fussent bien établis; que l'Angleterre et la Prusse seraient toujours alors dans la plus étroite harmonie du monde, ce qui ne pouvait se faire aussi souvent que l'Angleterre fût régentée des vues particulières d'Hanovre.

Je vous réitère les ordres que je vous ai donnés, de me mander au plus tôt possible ce que l'écuyer Sainson est devenu et s'il ne sera pas bientôt en état de retourner, lorsqu'il se sera acquitté des commissions que je lui ai données. Comme il aura apparemment ensemble les chevaux de bât qu'il m'a dû acheter, et que je crois que les occasions ne lui auront guère manqué d'avoir les deux étalons que je lui ai demandés encore, j'attends bientôt des nouvelles sur son retour.

Federic.

Nach dem Concept.

<46>