2449. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.

Berlin, 9 décembre 1746.

J'ai bien reçu la relation que vous m'avez faite en date du 30 du novembre dernier. Je suis persuadé que les bruits qu'on a fait courir à Vienne de mes prétendus desseins contre l'Impératrice-Reine, ne proviennent que de la déclaration qu'on m'attribue faussement, comme si je ne pouvais voir d'un œil indifférent que les troupes autrichiennes passassent le Var et qu'elles entrassent en Provence; et qu'on y ajoute foi d'autant plus facilement qu'on continue toujours à me supposer des alliances avec la France, qui cependant n'existent nullement. C'est sûrement de là que s'originent les inquiétudes que la cour de Vienne a fait paraître à l'occasion des susdits bruits. Quant au nommé Bredow, mes soupçons se fortifient de plus en plus que cet homme ne chemine pas droit avec vous et que la cour de Vienne vous l'a détaché pour vous insinuer des choses capables à vous faire faire quelque faux-pas. Quoi qu'il en soit, vous ferez bien d'être sur vos gardes avec lui, et de ne pas rompre avec lui, ni même lui faire apparaître le moindre doute sur sa fidélité, mais de continuer plutôt de vous en servir tout comme par le passé, en l'observant cependant de bien près et en examinant mûrement les rapports qu'il vous fera. Pour celui qu'il vous a fait par rapport au grand nombre des Protestants en Silésie qui doivent être mécontents, je vous le soutiens absolument faux et controuvé. Vous avez néanmoins bien fait de me mander tout naturellement ce qu'il vous a dit là-dessus; aussi ne discontinuerez-vous pas à faire toujours de même.

Sur ce qui est des bruits sourds que la paix entre la cour de Vienne et celle de Madrid soit parvenue à sa perfection, je les crois fondés, et autant que je puis juger des avis que j'en ai eus, je me per<257>suade qu'à l'heure qu'il est, cet accommodement est effectivement fait. Je crois que vous devinez juste, quand vous attribuez les fréquents envois de courrier? entre la cour où vous êtes et celle de Russie à l'événement de la paix qui vient d'être faite entre la Porte Ottomane et la Perse; il n'y a pas à douter que la guerre avec la France ne doive continuer l'année 1747 qui vient, et comme la trêve avec les Turcs va finir dans le courant de l'année 1748, vous conclurez de là combien d'affaires la cour de Vienne aura encore à démêler, avant qu'elle puisse penser au dessein de rompre effectivement avec moi. Quant au postscriptum secret que vous m'avez fait relativement au commerce de lettres où mon aide de camp, le baron de Lentulus,257-1 doit être avec un des commis de la chancellerie de guerre, je lui en parlerai moi-même et vous ferai savoir mes intentions là-dessus à l'ordinaire prochaine. En attendant, vous devez bien vous garder de parler de cette affaire au nommé Bredow, ni de lui en faire soupçonner la moindre chose.

Vous avez bien fait de communiquer au comte de Münchow la réponse que vous avez eue du comte de Kinsky, touchant plusieurs nouveaux impôts qu'on continue à exiger en Bohême et Moravie sur les toiles et draps fabriqués en Silésie. Il paraît assez clairement par là combien peu ces gens-là sont disposés à me satisfaire sur la moindre chose. Si jamais ils ont besoin de moi sur quelque affaire, ils n'ont qu'à attendre que je leur rende la pareille; ce que vous pouvez bien leur faire entendre adroitement. Je ne doute guère que la réponse qu'on vous va donner touchant la garantie de l'Empire du traité de Dresde,257-2 ne soit faite dans le même esprit et si compliquée que personne n'en saura que faire.

Federic.

Nach dem Concept.



257-1 Lentulus war Anfang 1746 aus österreichischen Diensten in preussische übergetreten.

257-2 Vergl. S. 258.