2512. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.

Berlin, 31 janvier 1747.

Je viens de rècevoii à la fois vos relations des 3, 6, 10 et 13 de ce mois. Il m'a été fort agréable d'y voir les bonnes dispositions où est milord Chesterfield à mon égard, et comme je m'en persuade toutà-fait, vu les grandes lumières de ce ministre et sa façon de penser noble et solide sur les vrais intérêts de la Grande-Bretagne, vous devez vous occuper principalement à cultiver ses dispositions et ses sentiments par tout ce que vous sauriez imaginer de plus obligeant.

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Je suis parfaitement content de la façon dont vous avez répliqué aux plaintes que la cour de Vienne a voulu porter contre vous; vous devez être persuadé que, dès que ces plaintes me sont parvenues, j'ai d'abord compris toute leur nullité et leur invalidité. Il est cependant toujours bon que le ministère britannique ait eu par là une preuve marquée des procédés indignes dont la cour de Vienne agit avec moi. Quant aux soupçons dont vous vous êtes entretenu avec milord Chesterfield, que l'Angleterre n'en saurait être exempte sur certaines intelligences avec la Russie à mon préjudice, j'avoue que, quelque obligeante et flatteuse que soit la réponse que ce ministre vous a donnée à ce sujet, je ne la saurais regarder que comme une réponse ministériale, pleine de belles paroles, pour adoucir une chose choquante, et j'ai encore tout lieu à présumer que le roi d'Angleterre est entré pour quelque chose dans tout ce que la Russie a témoigné jusqu'ici de mauvaise volonté contre moi, et dans ces ostentations guerrières qu'elle a faites, soit que ce Prince l'ait fait comme roi d'Angleterre ou comme électeur d'Hanovre, apparemment dans d'autres vues, mais en habillant son fait du tour comme si cela se faisait uniquement pour me tenir en échec par la Russie. Ce que je ne vous dis cependant que pour votre direction seule, et afin que vous tâchiez à bien approfondir encore cette affaire, en ne vous fiant pas aux démonstrations extérieures qu'un ministre vous voudra faire.

D'ailleurs, vous ne devez pas discontinuer à bien démêler ce qui est véritablement des articles secrets que la cour de Pétersbourg avec celle de Vienne doivent avoir communiqués à celle de Londres, Il est vrai que jusqu'à présent je ne sais pas avec précision qu'il y a des articles séparés et secrets au nouveau traité de l'alliance défensive que les cours de Pétersbourg et de Vienne ont fait entre eux; nonobstant de cela je serai bien aise que vous vous appliquiez avec tout ce que vous avez de savoir-faire pour en démêler en Angleterre plus de particularités, puisqu'il n'est pas impossible que les cours de Pétersbourg et de Vienne ne soient convenues, depuis la conclusion du traité principal, de quelques articles secrets qu'ils voudraient bien dérober à ma connaissance, mais qu'ils ont cependant communiqués a l'Angleterre.

Quant aux insinuations que milord Chesterfield vous a voulu faire comme si les ministres de France trahissaient ma confiance, je vous dirai pour votre direction qu'aussi souvent que ce ministre vous en parlera encore, vous devez y répondre en termes généraux et polis, mais ne faire d'ailleurs que prendre simplement ad referendum tout ce qu'il vous dira à cet égard-là.

Sur ce qui est de la difficulté que vous trouvez en sondant avec précision, selon mes ordres que vous avez, milord Chesterfield sur l'alliance des cours de Pétersbourg et de Vienne, je vous dirai que, si ce ministre devait vous demander à son tour dans quels termes et jusqu'à quel point je me trouvais engagé avec la France, vous devez lui répondre<304> hardiment que je n'avais nul engagement avec la France, sur quoi il se pourrait fier; mais qu'il ne saurait disconvenir que, par la mauvaise foi et la mauvaise volonté dont la reine de Hongrie usait en tous égards et dans toutes les occasions envers moi, je ne saurais être trop porté pour les intérêts de la maison d'Autriche, ni lui souhaiter beaucoup de bien, et que, si jamais je penchais pour la France, c'était sûrement sur ce seul article-là.

Au surplus, la personne du sieur de „Villiers me sera toujours plus agréable que toute autre, si la cour de Londres me veut envoyer un ministre; mais, en cas que ses établissements en Angleterre ne permettent plus qu'il va hors du royaume, je serais bien aise qu'on m'envoyât une personne d'un caractère doux, et point fougue et emporté comme il y en a entre les Anglais.

Je viens d'ordonner mon portrait, qu'on vous enverra en grand, dès qu'il pourra être achevé, pour le présenter au prince des Galles. En attendant, vous assurerez à ce Prince par un compliment de ma part, dans les termes les plus obligeants dont vous pourrez vous aviser, combien j'ai été sensible à ce qu'il m'a bien voulu promettre le sien.

Je veux me persuader, puisque vous me l'assurez, que le choix du sieur Williams, pour l'envoyer à Dresde, ne s'est fait que par des considérations personnelles; cependant je ne laisserai pas de soupçonner que le but principal de son envoi n'est autre que de faire revirer le roi de Pologne vers l'Angleterre, dans la supposition qu'il a pris des engagements avec la France à l'occasion du mariage de la Dauphine.

Au reste, vous devez me mander votre sentiment si vous croyez, quand les Anglais finiront encore la campagne de cette année-ci sans gagner du terrain sur la France et sans avoir eu ni succès ni perte considérable, s'ils désireront alors de finir sérieusement la guerre ou si malgré cela le roi d'Angleterre tâchera de la traîner encore aussi longtemps qu'il lui sera possible. Vous ne manquerez pas à me résoudre ce problème d'une façon solide.

Federic.

Nach dem Concept.