2523. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

[Potsdam], ce 7 [février 1747].

Mon cher Podewils. Je crois que vous recevrez avec ma lettre la dépêche que j'ai faite à Andrié. J'espère que d'un côté elle guérira le lord Chesterfield de ses soupçons, et que d'un autre il prendra plus de confiance en moi. Je suis étonné de la politique anglaise; ils n'envisagent toute l'Europe que comme une grande république faite pour les servir; ils n'entrent jamais dans les intérêts des autres et ne se servent d'autres arguments persuasifs que de leurs guinées. Comment un homme de bon sens peut-il exiger de moi que j'aime la reine de Hongrie<315> et que je participe à ce qui lui arrive d'heureux, après tout ce qui s'est passé entre nous depuis l'année 44, et après l'obstination qu'elle montre à remplir le traité de Dresde, et l'acharnement avec lequel on la voit active dans toutes les cours de l'Europe à nuir à mes intérêts? Il faut en vérité être en délire pour prétendre un pareil attachement; l'amitié n'est jamais le fruit de la haine, il faut que tout soit réciproque, et surtout que les intérêts puissent s'accorder en quelque manière. Je vois tous les jours, dans la politique, qu'on se plaît d'adopter de certains préjugés favoris et qu'on a bien de la peine à les déraciner; on s'égare méthodiquement de suppositions en suppositions : les conclusions sont justes, mais on est souvent trompé dans les principes. A Vienne, on me croit l'ennemi implacable de cette maison; à Londres, on me croit plus remuant, plus ambitieux et plus riche que je ne suis; Bestushew suppose que je suis vindicatif; à Versailles on pense que je m'endors sur mes intérêts: ils se trompent tous, mais ce qu'il y a de fâcheux, c'est que ces erreurs peuvent donner lieu à de mauvaises suites, et voilà à quoi nous devons travailler, de les prévenir et de détromper l'Europe prévenue.

Je suis votre fidèle ami

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.