2569. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.

<344>

Chambrier berichtet, Paris 27. Februar: „Le duc de Richelieu a dit entre autres à quelqu'un, avec l'air d'un homme pénétré jusqu'à la moëlle de l'excellence des découvertes qu'il avait faites à Dresde : « Nous pouvons faire avec la cour de Dresde de très bonnes choses; le comte de Brühl, dont je n'avais qu'une idée très imparfaite, est un homme d'esprit et de mérite, qui a des vues et de l'étendue dans l'esprit; son maître, qui est le meilleur homme et le mieux faisant pour ceux qui le servent, a toute la confiance dans le comte de Brühl; c'est lui qui gouverne la Saxe, et il n'y a point de particulier en Europe qui fasse la figure que fait le comte Brühl, » — La dernière fois que j'ai vu le comte de Maurepas, comme je sais qu'il hait souverainement le duc de Richelieu, je le mis, le plus adroitement que j'ai pu, sur le voyage de ce duc à Dresde … Maurepas me répondit que je pouvais être fort tranquille sur la façon dont on pensait ici sur

Potsdam, 17 mars 1747.

Vos dépêches du 27 du février et du 3 et du 6 de ce mois me sont bien parvenues, et je suis très satisfait de tout le détail aussi intéressant qu'instructif que j'y ai trouvé, de même que des insinuations que vous avez faites au comte de Maurepas touchant les propos lâchés par le duc de Richelieu au sujet du comte de Brühl.

Quand je vous ai demandé s'il ne valait pas mieux que vous fassiez un peu plus le fier à la cour où vous êtes,343-1 mon intention n'a nullement été de vous le prescrire comme une règle que vous deviez suivre au pied de la lettre, mais seulement de savoir vos idées là-dessus, me

Votre Majesté et sur la cour de Dresde; qu'on savait la différence qu'on en devait faire, et que, quant à la prédilection que Votre Majesté avait cru qu'il y avait eu ici pour la Saxe, c'était le marquis d'Argenson qui y avait donné lieu par sa crédulité pour les inspirations de la cour de Saxe, mais que le marquis de Puyzieulx marcherait sur d'autres principes.“

remettant d'ailleurs sur la conduite sage et prudente que je vous connais, et que vous sauriez toujours choisir le parti le plus convenable pour mes intérêts. Si je n'ai pu faire jusqu'ici pour vous ce que j'aurais bien souhaité de pouvoir faire, vous savez les circonstances assez difficiles où j'ai été depuis le commencement de mon règne. Vous conviendrez cependant que je ne vous ai pas tout-à-fait abandonné et que j'ai tâché à améliorer à différentes fois votre condition, depuis le décès de feu mon père. Vous pouvez d'ailleurs croire que je ne vous paierai point d'ingratitude ni mettrai en oubli les bons et fidèles services que vous m'avez rendus et que j'aurai encore de vous; mais, avec tout cela, je ne saurais vous cacher que je ne demande pas de vous que vous fassiez des dépenses extraordinaires ni que vous mettiez du vôtre pour figurer plus que je ne le trouve nécessaire; que c'est une maxime que je recommande à tous mes autres ministres aux cours étrangères, étant persuadé que ce sont les affaires qu'un ministre a à traiter à une cour qui le rendent agréable, et non pas les dépenses extraordinaires qu'il fait, et qui ordinairement n'éblouissent que le petit peuple.

Je viens d'être informé d'assez bonne main et d'une manière qui ne me laisse pas douter de la vérité du fait, qu'après que le ministre anglais à Pétersbourg, le lord Hyndford, eut fait des instances à la cour de Russie pour obtenir d'elle un corps de troupes de 30,000 hommes, pour s'en servir contre la France, et que le ministre autrichien, le général Pretlack, eut appuyé ces instances, l'Impératrice avait fait déclarer formellement à ces deux ministres qu'elle était prête à fournir ce nombre de ses troupes à l'Angleterre, pour s'en servir sur le Rhin, sur la Moselle ou aux Pays-Bas; qu'on était convenu que l'Angleterre prendrait ces troupes à sa solde, et que lesdits ministres avaient fait avec les ministres russiens une convention secrète, sauf à être ratifiée de la cour de Londres; que milord Hyndford avait dépêché son courrier à ce sujet, et qu'il n'attendait que le retour de celui-ci, pour savoir les intentions de sa cour, et si elle voudra ratifier ladite convention, et qu'immédiatement après on ferait passer ces troupes aux lieux de leur destination; et qu'indépendamment de cela l'Impératrice s'était obligée de tenir encore une armée assez considérable en Livonie, pour me tenir en échec. J'ai cru nécessaire de vous d'informer d'abord de toutes ces particularités, dont vous saurez faire usage là où vous êtes, bien que toujours d'une manière que je ne sois pas compromis ni exposé à quelque indiscrétion que des mal intentionnés en pourraient faire — c'est ce que je remets à votre dextérité.

Federic.

Nach dem Concept.

<345>

343-1 Vergl. S. 302.