2692. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER [A BRUXELLES].

Potsdam, 6 juillet 1747.

J'ai bien reçu les relations que vous m'avez faites du 23 et du 26 du mois dernier, et j'espère d'apprendre bientôt que vous vous êtes mis en chemin pour aller au lieu que l'on vous aura marqué où le roi de France veut que les ministres étrangers se rendent pour s'approcher de sa personne. Je dois vous avertir, au surplus, d'une conversation que mon ministre à Londres, le sieur Andrié, a eue depuis peu avec le lord Chesterfield, à qui il s'était plaint du peu d'exactitude de la cour de Londres à exécuter les engagements qu'elle avait avec moi par la convention d'Hanovre à l'occasion du traité de paix de Dresde, relativement aux garanties de ce traité que l'Angleterre me devait procurer. A quoi, milord Chesterfield, après force de protestations sur la sincérité des intentions de l'Angleterre à mon égard, s'est laissé aller jusqu'à dire au sieur Andrié que la cour de Londres n'était pas sans de justes soupçons sur mes liaisons secrètes avec la France, et qu'elle avait des avis certains qu'au commencement de cette campagne la cour de France m'avait représenté que, la cour de Vienne continuant à se roidir contre la paix, il était temps que je me mêlasse de la partie sous prétexte d'une médiation armée, pour ôter toute espérance à cette cour de se relever et l'empêcher de remonter par les effets de la guerre dans l'état où elle avait été ci-devant; que là-dessus j'avais répondu à la France d'une manière qui dénotait que je n'étais pas éloigné de me prêter à ses désirs, puisque j'avais fait connaître qu'il fallait encore laisser écouler cette campagne, parceque les Puissances maritimes se lasseraient indubitablement de soutenir plus longtemps la guerre et le fardeau des subsides, et qu'alors le temps serait plus propre pour parvenir au plus grand abaissement de la maison d'Autriche. Sur quoi, milord Chesterfield a fait observer au sieur Andrié combien il était naturel à l'Angleterre de se précautionner, puisque mes liaisons avec la France ne marqueraient que trop la réalité de semblables intentions, et qu'il me laissait moi-même juge, si après des soupçons aussi fondés, il n'était pas naturel aux Puissances maritimes de faire toute sorte de réflexions sur ma façon de penser dans la crise présente des affaires.

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Comme vous savez vous-même combien il y a de faux et de controuvé dans tous ces soupçons-là qu'on a inspirés à l'Angleterre contre moi, je ne m'amuserai pas à vous dire mes réflexions là-dessus, et je veux seulement vous dire que je soupçonne que de pareils avis ne viennent à l'Angleterre que par le ministre de Danemark à la cour de France, le sieur de Bernstorff. Vous vous souviendrez de ce que je vous ai déjà marqué à son sujet,428-1 et j'ai plus d'une raison à croire que c'est lui qui mande au roi d'Angleterre tout ce qu'il peut apprendre de circonstances par rapport aux affaires de la France, qu'il habille et brode alors selon sa façon de penser, pour se faire d'autant plus valoir.

C'est pourquoi mon intention est que vous deviez en parler encore une fois au marquis de Puyzieulx, à la première occasion que vous y trouverez convenable, et lui insinuer tout poliment combien il avait lieu de se défier dudit ministre et d'être bien en garde contre lui pour ne laisser rien transpirer à lui de ce qui demandait du secret, et, encore, de tout ce qui se traitait avec moi — précaution que je croyais si nécessaire que je devais hésiter de me mêler d'aucune affaire avec la France, si je n'étais pas assuré qu'il n'en viendrait rien à la connaissance dudit sieur de Bernstorff, comme à un homme qui ne laissait pas d'en faire d'abord un mauvais usage.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.



428-1 Vergl. S. 411.